Taxes sur l’acier décrétées par Trump: tous perdants ?

Qui fera les frais des taxes sur l'acier décidées par Donald Trump? © Reuters

Avec ses taxes sur l’acier et l’aluminium, Donald Trump entend défendre les emplois aux Etats-Unis. Mais pour les économistes, ces mesures risquent de pénaliser les Etats-Unis autant que leurs partenaires. Qui sera concerné, et dans quelle proportion?

Quel impact pour l’industrie américaine?

A court terme, les producteurs d’acier et d’aluminium américains vont bénéficier de l’avantage des barrières douanières. “La production nationale d’aluminium, par exemple, va augmenter légèrement”, a prédit Marie Kasperek, du laboratoire d’idées Atlantic Council, sur son blog. Il devrait en être de même pour l’acier.

Le directeur général du producteur d’acier US Steel, David Burritt, a déjà annoncé la réouverture d’un haut fourneau dans l’Illinois, touché de plein fouet par la crise de la sidérurgie. “C’est comme le début d’une renaissance pour nous”, a-t-il assuré, qualifiant l’initiative du président américain de “courageuse”.

Le défi pour les industriels américains est de produire “à un prix qui serait inférieur à l’aluminium importé, taxes comprises”, souligne toutefois Marie Kasperek, sceptique sur l’impact de ces mesures à moyen terme.

Beaucoup, aux Etats-Unis, s’inquiètent en outre des effets secondaires des taxes Trump, qui risquent de pénaliser fortement les industries gourmandes en acier, comme l’automobile. Au final, cela revient à se tirer “une balle dans le pied”, a estimé Larry Summers, directeur du Conseil économique sous la présidence Obama.

Quel impact pour ses concurrents?

Tous ne seront pas logés à la même enseigne, mais tous seront touchés, les Américains étant les plus gros importateurs au monde d’acier et d’aluminium.

Selon Philippe Waechter, économiste chez Natixis AM, le Canada (16% des exportations d’acier et d’aluminium aux Etats-Unis) devrait se trouver en première ligne, avec une perte de deux milliards d’euros. Le Mexique (9% des exportations) devrait lui perdre 600 millions d’euros.

La Chine – cible principale de Donald Trump, qui la considère comme une source de nuisance pour l’industrie américaine – serait paradoxalement moins touchée. Le pays ne représente en effet que 2% des importations américaines d’acier, même si son expansion industrielle a contribué à la surproduction mondiale.

Côté européen, le coût devrait atteindre 1,7 milliard d’euros, avec un montant proche de 400 millions pour l’Allemagne et de 150 millions pour la France. La facture pourrait cependant grimper en cas de déstabilisation générale du marché: l’UE craint en effet d’être touchée, par ricochet, par l’afflux d’acier chinois à bas prix, recalé aux frontières américaines.

Quels conséquences sur l’emploi?

Aux Etats-Unis, il semble peu probable que les taxes Trump aient un effet positif sur l’emploi. “Même si des gains d’emplois sont enregistrés dans l’industrie en amont, ils seront effacés par les pertes dans l’industrie en aval”, a jugé le prix Nobel d’Economie Paul Krugman dans un éditorial publié par le New York Times.

En cause: la hausse des coûts de production provoquée par ces taxes, et ses effets négatifs sur la consommation. En 2002, le président Bush avait ainsi imposé pendant 18 mois des taxes sur l’acier: au cours de cette période, quelque 200.000 emplois américains avaient pâti de cette mesure protectionniste, selon une note d’Oxford Economics.

Dans le reste du monde, l’impact des mesures Trump pourrait également s’avérer importantes, surtout si elles devaient être suivies — comme l’a laissé entendre le président américain — par des taxes de 25% sur les importations de voitures.

Comme les automobiles envoyées vers les Etats-Unis représentent 13% des exportations européennes, ces impôts pourraient “frapper de manière significative” les pays producteurs, juge Robert Stehrer, du Viena Institute for International Economic Studies (WIIW).

Selon l’institut de recherche économique Ifo, l’Europe pourrait perdre jusqu’à 130.000 emplois dans le secteur si les Etats-Unis appliquaient leurs taxes.

La croissance mondiale est-elle menacée?

Là encore, tout dépendra des futures décisions de l’administration Trump. D’après Gilles Moëc, économiste chez Bank of America ML, l’impact direct des taxes sur l’acier et l’aluminium seraient de 0,04 point de Produit intérieur brut (PIB) pour l’économie allemande, et de 0,04 point de PIB pour l’économie chinoise.

Mais les effets seraient bien plus importants en cas d’escalade, avec ripostes et contre-ripostes. “Si le commerce international était remis en cause (…) ce serait un canal de transmission d’une baisse de la croissance, d’une baisse des échanges et ce serait redoutable”, a alerté la directrice du FMI Christine Lagarde.

Un avis partagé Philippe Waechter, qui redoute que le conflit provoqué par Trump ne fasse que des perdants. “Une guerre tarifaire, c’est un peu un combat de boxe poids lourd en 15 rounds. Les deux combattants vont jusqu’au bout mais tous les deux sont sérieusement amochés, au risque d’avoir des séquelles”, estime l’économiste.

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