Taxation des loyers: une fausse bonne idée?

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Mi-janvier, Paul Magnette annonçait dans les colonnes du quotidien Le Soir “On doit taxer davantage les revenus locatifs”. Une “bombe” était lâchée sur notre pays. Bombe, car la Belgique est une terre des “petits” propriétaires, ceux qui ne possèdent pas un parc immobilier, mais quelques biens afin de remplumer leurs revenus.

La proposition du PS de taxer les loyers a soulevé un tollé de protestations… Tant et si bien que quelque temps après, le parti “nuançait” quelque peu cette déclaration.

Trois questions à Olivier Hamal, Président du Syndicat National des Propriétaires et des Copropriétaires (SNPC-NEMS) et à David Pestieau, responsable du bureau d’études du PTB :

Quelles sont les chances de cette taxe de voir réellement le jour ? Olivier Hamal : Manifestement il y a une opposition assez forte de plusieurs partis tels que le MR, le CDH, plus timoré de la part d’Ecolo, et même le PS semble faire marche arrière sur le chapitre de la taxation des loyers.

Mais il faudra surtout voir, après les élections, le modus vivendi qui sera adopté concernant la fiscalité dans son ensemble et la fiscalité immobilière en particulier. Par fiscalité immobilière, ce n’est pas uniquement cette taxe sur les loyers, mais toutes les taxes immobilières (patrimoine, donation, etc.). Il y a aussi ce problème d’injonctions européennes. Il faudra voir comment la Belgique va répondre à ces interrogations de l’Europe.

David Pestieau : Je ne sais pas très bien ce qui est effet d’annonce ou autre… Comme parti, nous n’avançons pas cette taxe, car à nos yeux elle ratisse trop large. C’est toujours la même problématique : à qui s’adresse-t-elle ? Pour nous, il y a d’autres manières plus correctes d’imposer le capital en Belgique. La taxation du revenu des loyers balaie tous azimuts, les petits comme les gros propriétaires. Ce que nous défendons c’est une taxation sur l’ensemble des revenus du capital, comme la “taxe des millionnaires” que nous avons avancée, qui concerne 2% de la population. Une taxation à partir d’un certain stade de fortune.

Quels seraient les critères pour taxer les loyers ? Olivier Hamal : Appliquer une taxation des loyers réels sur base des rénovations et/ou de l’entretien du bien va poser des problèmes considérables à l’administration fiscale, car elle n’a pas les moyens de vérifier et donc de l’appliquer. Il faudrait également voir comment les Régions vont appliquer cette taxe, comment cela va se cumuler, se chevaucher… Etant donné que l’administration fiscale n’a pas les moyens nécessaires à la vérification des charges réelles déboursées par les propriétaires, on en arriverait à calculer cela à partir de charges forfaitaires, or là on tronque l’équation…

Plutôt qu’une taxation des loyers réels, voir si il ne vaudrait pas mieux envisager un impôt libératoire de 25%, voire moins, comme pour les revenus mobiliers.

David Pestieau : Il faudrait garantir qu’elle ne touchera pas plus les personnes qui ont des revenus moyens et qu’elle touchera bien les gros propriétaires. Il faut donc mettre un système de vérification, de contrôle en place (cadastre, niveaux de revenus, etc.) afin de vérifier que cette taxe soit “juste”. Il est plus facile de repérer les revenus immobiliers or justement chez les riches ce sont les revenus mobiliers qui sont les plus importants.

Au final, qui payera cette taxe ? Les propriétaires ? Les locataires ? Olivier Hamal : On annonce beaucoup de choses en même temps et oui cela risque de retomber sur les épaules des particuliers qui investissent dans l’immobilier pour arrondir leurs revenus. Car les “gros” propriétaires eux sont en société et leurs revenus immobiliers sont qualifiés de revenus professionnels. À moyen terme ce seront les locataires qui feront les frais d’une telle taxation, car il y aura moins de “petits” propriétaires, car cette augmentation se sera répercutée sur leurs revenus locatifs. De plus trop de taxes immobilières avec un encadrement trop strict des loyers risquent d’entraîner un désintérêt des propriétaires d’entreprendre des travaux et cela se répercutera sur les entretiens des biens. Notre position est que nous avons un système qui actuellement ne fonctionne pas trop mal, dès lors pourquoi vouloir jouer avec des allumettes… ?

David Pestieau : C’est cela le grand risque ! C’est pour cela qu’on est réticent à ce genre de taxe. Car si un système n’est pas mis en place afin d’éviter les dérives, il y a de gros risques que cette taxe soit payée par le locataire. Il faut savoir que les loyers n’ont été qu’en augmentant ces 10 dernières années. Ce système doit donc aller de pair avec un encadrement des loyers, car s’il n’y a pas des mécanismes de contrôle des prix alors on sait d’avance qui payera ! Il faut mettre en place des mesures d’accompagnement afin d’éviter justement que ce soit le locataire qui paie au final.

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