Daan Killemaes

‘Sept années de vaches grasses maintenant?’

Daan Killemaes Economiste en chef de Trends Magazine (NL)

Imaginez que le gouvernement ait fait davantage. On pourrait alors parler du miracle économique de la Belgique. C’est ce qu’écrit le rédacteur en chef du Trends néerlandophone Daan Killemaes.

Après sept années de vaches maigres, sept années de vaches grasses maintenant ? Le cycle conjoncturel européen prendrait-il des proportions bibliques ? De 2008 à 2014, l’Europe a littéralement subi sept années de vaches maigres, mais il n’est pas exclu que nous bénéficiions de sept années de vaches grasses, et ce depuis 2015. Cela signifierait que les prochaines récessions ne seront à l’agenda qu’en 2022. Où pouvons-nous signer ?

2017 promet d’être un grand cru. Les chiffres de croissance du deuxième trimestre confirment ce que les indicateurs montrent depuis un certain temps : cela va bien. L’économie néerlandaise a remporté la palme et a progressé de 1,5% par rapport au premier trimestre. Sur base annuelle, cela signifie une croissance de 6%, ce qui dépasse toutes les attentes. Ce sont des chiffres de croissance chinoise impossibles à maintenir, mais l’économie européenne peut aisément croître de 2% cette année, peut-être même plus. Même les pays les plus faibles, comme l’Italie, sont invités au festin.

La reprise est en partie facile et évidente, comme une balle qui rebondit haut après une importante chute. L’économie européenne a été frappée tellement durement, d’abord par la crise financière et ensuite par la crise interne de la dette, que nous pouvons encore continuer notre trajectoire pendant quelques décennies, avec la dose de récession que nous avons subie ces dernières années. Il y a encore énormément de potentiel sous-utilisé, de telle sorte que l’économie européenne peut encore continuer à croître relativement fort pendant un certain temps sans heurter ses limites, donc sans générer de l’inflation. Le chômage élevé persistant montre cependant que l’Europe a besoin de plus qu’une reprise conjoncturelle pour donner à l’ensemble de la jeunesse européenne une perspective d’un avenir meilleur.

Promesse

Voici ce qu’une dose de politique économique correcte peut pas faire… Des pays comme les Pays-Bas, qui ont voulu, et l’Espagne, qui a dû corriger le tir très durement pendant les années de crise, en récoltent aujourd’hui les fruits. Ces pays n’ont donc pas été détruits par les économies. Aux heures les plus sombres de l’assainissement budgétaire, les Pays-Bas, et par extension l’ensemble de la zone euro, ont toutefois poussé les choses trop loin et trop vite, mais il y avait peu d’autres choix à ce moment-là.

La France semble, avec Emmanuel Macron, enfin avoir un président qui veut insuffler une nouvelle vie à l’économie grâce à des réformes. L’Allemagne démontre encore quotidiennement que l’on peut aller très loin avec une réforme du marché du travail telle que celle que le chancelier Gerhard Schröder avait mise sur les rails il y a quinze ans. Depuis lors, l’Allemagne a créé 7 millions d’emplois. Angela Merkel promet un emploi pour chaque Allemand à l’horizon de 2025. La promesse identique du vice-premier ministre Kris Peeters (CD&V) sonne de manière moins convaincante.

Plus est en vous, gouvernement Michel

Avec une croissance de 2%, la Belgique est aujourd’hui l’un des derniers de la casse. C’était presque inévitable. Par une politique de la demande trop expansionniste et un report des réformes, le gouvernement Di Rupo a emprunté sur la croissance à venir. La facture nous arrive maintenant. La lourde part des services publics dans l’économie est une bouée de sauvetage par mauvais temps, mais un handicap par beau temps. Plus est en vous, gouvernement Michel. Un petit shift des impôts crée déjà des emplois et de la croissance supplémentaires. Imaginez que ce gouvernement ait fait davantage. On pourrait alors bientôt parler du miracle économique de la Belgique.

Conjoncture

L’Europe ne récolte pas seulement les fruits d’une amélioration de la politique de l’offre, la demande n’entrave également plus la reprise. Non seulement les exportations nous tirent de l’impasse, mais la reprise est aussi instaurée de l’intérieur grâce à l’augmentation de la consommation et des investissements. La politique fiscale n’est plus un frein et peut aujourd’hui être considérée comme neutre pour la croissance en Europe. La politique monétaire de la Banque Centrale européenne reste particulièrement expansionniste, avec des taux d’intérêt qui restent négatifs en termes réels, aussi à long terme. Un renforcement de l’euro est une préoccupation, mais cette hausse est pour l’instant insuffisante pour mettre la reprise en danger. Et la BCE veille, car elle ne veut pas voir gâcher le travail des dernières années. A mon avis, en 2011, l’Europe a encore fait une tentative de suicide économique, du fait de sa politique budgétaire paniquée et d’une BCE en échec, mais aujourd’hui, les indicateurs macro-économiques sont dans le vert. Il nous reste néanmoins relativement peu de munitions pour lutter contre la prochaine récession.

Il y a probablement encore assez de temps pour aborder ce fléau. Les expansions économiques ne meurent pas de vieillesse, elles sont toutes “assassinées” par une grave adversité – un choc pétrolier, un déraillement de l’inflation, une crise financière ou une autre calamité – qui ébranle la confiance des entrepreneurs et des consommateurs. Excepté le risque d’une escalade dangereuse de la crise en Corée du Nord, il y a peu d’ “assassins” potentiels de la conjoncture qui circulent actuellement.

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