“Sans impôt européen, l’UE risque de ne plus fonctionner !”

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Alain Lamassoure, président de la commission des budgets au Parlement européen, explique ce que pourrait être concrètement un impôt européen, un projet annoncé par Bruxelles et décrié par plusieurs Etats membres.

Janusz Lewandoswky, commissaire au Budget, évoque la possibilité d’un impôt européen pour constituer un vrai budget communautaire. La France comme l’Allemagne et le Royaume-Uni s’y opposent. Quelle est votre position ?

Ce refus français, tout d’abord, ne vient pas du plus haut niveau (Ndlr, mais du secrétaire d’Etat français aux Affaires européennes, Pierre Lellouche). Il ne faut donc pas enterrer le sujet trop tôt. Le Parlement réclame une ressource propre pour l’Union européenne depuis trois ans déjà. Un petit rappel historique, ensuite : l’impôt européen existait déjà en 1951, à travers la CECA, qui avait créé une taxe communautaire sur le chiffre d’affaires des industries sidérurgiques et minières. Le traité de Rome établit aussi des ressources propres à l’Union avec les droits de douane aux frontières de l’Europe.

Cette manne est devenue dérisoire. Le budget européen ne fonctionne pratiquement qu’avec des contributions nationales. Or, les Etats membres contraints à la rigueur répugnent à mettre la main au pot communautaire. Sans un impôt européen, ou du moins une nouvelle ressource, le budget de l’Union risque de fondre et l’Europe de ne plus fonctionner.

Comment remettre à l’ordre du jour cette idée d’impôt européen ?

Une occasion formidable se présente en octobre. Les 27 chefs d’Etat se réunissent pour coordonner leur politique budgétaire, ils pourraient penser au 28e budget, celui de l’Union européenne. Les commissions des finances des parlements nationaux pourraient s’asseoir autour de la table et cet aréopage débattrait de manière publique. Je dois rencontrer prochainement Herman Van Rompuy, président du Conseil européen, pour lui soumettre cette idée.

Concrètement, sur quoi porterait cet impôt communautaire ?

Il faut partir du principe de constance. L’impôt européen se substituerait aux contributions nationales. Ce serait, pour les citoyens de l’Union, un jeu à somme nulle. Il existe plusieurs pistes de réflexion pour arriver à alimenter un budget européen de 130 milliards d’euros. On pourrait baisser les TVA nationales et créer à proportion une TVA européenne dont le produit partirait à Bruxelles. Facile techniquement, mais pas très populaire…

Les impôts verts semblent plus acceptables par la population. Normal : ils font du bien à la planète et frapperaient surtout les industriels ! Le Conseil européen a déjà décidé de créer une nouvelle ressource publique : à partir de 2013, la vente aux enchères des droits d’émission de CO2 devrait rapporter plus de 30 milliards par an. Pourquoi cette recette tirée d’une politique entièrement européenne n’alimenterait-elle pas le budget européen, alors que les ministres des Finances veulent s’en réserver le bénéfice ?

La taxe carbone aux frontières de l’Union, payée par les industriels tiers sans normes environnementales, fait aussi partie des pistes possibles, même si beaucoup de nos partenaires européens s’opposent au retour des droits de douanes.

Il y a bien sûr le gisement bancaire, avec un impôt sur les transactions financières qui a l’heur de plaire à Paris, Londres et Berlin. Reste une dernière option : l’affectation directe au budget européen de la TVA prélevée sur les produits importés des pays tiers, comme c’est le cas pour les droits de douane qui grèvent ces mêmes produits.

Propos recueillis par Franck Dedieu, L’Expansion.com

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