Reynders : “S’il faut cibler, nous aiderons d’abord les bas salaires !”

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Augmenter les impôts pour combler le déficit budgétaire ? Pas indispensable : il est possible de dépenser moins. Et surtout de trouver de nouvelles assiettes à l’impôt. Notamment auprès du secteur financier, à l’égard duquel Didier Reynders a parfois la dent dure. Double interview.

Alors qu’il lance une offensive contre le secret bancaire et envisage une nouvelle DLU, le ministre des Finances confirme ses convictions : on doit déplacer les prélèvements fiscaux plutôt que les augmenter, ce qui ne peut souvent se faire qu’à l’échelle européenne. Didier Reynders reviendra donc à la charge dès juillet prochain, sous la bannière de la présidence belge du Conseil. Il a accordé une double interview au magazine Trends-Tendances et à la chaîne d’information économique Canal Z. En voici quelques extraits.

Canal Z : pour les baisses de charges, comment souhaiteriez-vous procéder ? De façon ciblée, comme par le passé, sur certains travailleurs ?

On doit maintenant le faire de la façon la plus générale possible. Baisser les charges sur le travail, tant fiscales que sociales, pour permettre un salaire net plus élevé pour beaucoup de personnes qui ont, aujourd’hui, un salaire encore très faible par rapport au coût du travail. Et pour permettre aussi aux entreprises de financer ce genre de développement de l’emploi.

Si l’on doit cibler, cependant, le mieux est de d’ailleurs viser les revenus les plus bas. C’est quant même sur les revenus les plus faibles qu’il faudrait supprimer le plus possible les charges tant pour l’entreprise que pour le travailleur. Le coût est trop élevé pour l’entreprise mais le salaire, souvent, est beaucoup trop bas. Le but est donc d’augmenter le revenu d’une partie de la population qui participera dès lors à la consommation et au développement de l’activité.

Si l’on devait cibler, on commencerait par les revenus les plus faibles, les revenus moyens. Mais le principe général, c’est quand même de baisser les charges du travail et augmenter la taxation sur un certain nombre d’autres activités : les transactions financières, mais aussi des biens et services qui intègrent de l’émission de CO2 ou de gaz à effet de serre. Cela veut dire que tous les produits seraient taxés de la même manière, qu’ils viennent d’Asie, d’Amérique du Nord, du Sud ou d’Europe. En revanche, nous aurions un emploi moins taxé en Europe. En d’autres termes, on arrêterait d’exporter de l’emploi et d’importer du chômage.

Canal Z : quid de la taxe carbone et de la taxe sur les transactions financières ?

Pour la taxe sur les transactions financières, on peut avancer sans attendre un accord sur la scène mondiale. En Europe, c’est le bon moment. Nous allons tenter de le faire durant la présidence belge de l’Union européenne. Il y a une volonté de prévoir un prélèvement.

Pour la taxe carbone, c’est plus compliqué, on vient de le voir en France. Un pays qui avancerait seul, c’est un pays qui pénaliserait sa propre activité industrielle. Il faut donc pouvoir agir à l’échelle d’un continent. Je ne crois pas qu’il faille attendre une évolution équivalente en Asie ou en Amérique du Nord. On doit au moins le faire en Europe, peut-être même dans la zone euro. Le climat actuel, lié à la crise financière, à la crise économique, à la recherche de ressources, nous permet probablement d’espérer avancer dans cette voie. Mais je le répète : le faire seul n’a pas beaucoup de sens.

Trends-Tendances : les déficits budgétaires ont explosé partout dans le monde – en Belgique proportionnellement moins qu’ailleurs – et, ont averti tous les économistes, les Etats doivent songer à trouver des recettes nouvelles. Quelles sont les pistes ?

Ma première réponse est claire, et c’est le message que j’ai adressé à la fois au gouvernement belge, à l’Ecofin (Ndlr, qui réunit une fois par mois les ministres de l’Economie et des Finances de l’Union européenne) et à l’Eurogroupe (Ndlr, réunion des ministres des Finances de la zone euro) : il y a d’autres pistes que la quête d’impôts supplémentaires. La première, c’est la gestion des dépenses : comment peut-on mieux les encadrer ? Je vais mettre le dossier sur la table dès le mois de juillet, dans le cadre de la présidence belge de l’Union : il faut échanger les meilleures pratiques au niveau européen. Ainsi, notre système de santé est réputé plus efficient que le système américain, mais sans doute subsiste-t-il des améliorations possibles.

A l’inverse, le poids du secteur public dans notre économie, et particulièrement dans le sud du pays, paraît vraiment important par rapport à ce qu’on observe ailleurs. Ne pourrait-on pas le réduire ? C’est ce que nous faisons au SPF Finances, en investissant davantage dans l’informatique et dans la qualité du personnel, mais en diminuant ce dernier en volume. Ce ne doit pas être une règle absolue pour autant et le gouvernement l’a clairement indiqué en dégageant des moyens supplémentaires pour la police, par exemple. On ne pourra pas faire l’économie d’un débat sur les dépenses !

La deuxième piste, c’est la tarification : faire payer le service par le client. Le réseau routier et autoroutier en est un bon exemple. Si les Belges payent à l’étranger, ne peut-on imaginer que le trafic de transit en Belgique paye également ? Les Belges devraient aussi payer, pour éviter toute discrimination, mais ils bénéficieraient en compensation d’un allègement de la taxe de circulation, comme cela se fait dans d’autres pays. Autre exemple : les aéroports. Je suis le premier à affirmer qu’il faut développer les aéroports régionaux. Mais alors que tout le monde plaide pour une diminution de la consommation d’énergie, on observe que c’est le contribuable qui paye une série de coûts à la place des compagnies aériennes et de leurs passagers. Belgocontrol, qui a fait l’actualité récemment, assure la gestion du contrôle aérien gratuitement dans les aéroports régionaux et en dessous du coût à Bruxelles. Ce n’est pas normal !

Trends-Tendances : à côté de la taxe sur les transactions financières, vous indiquez qu’il faut également instaurer des règles…

La semaine dernière, j’ai présenté à la Chambre des projets de loi donnant de nouveaux outils aux pouvoirs publics en cas de crise. Même si l’on espère évidemment ne plus en vivre dans les décennies à venir… Le but : se donner les moyens de réagir beaucoup plus rapidement, en de telles circonstances, en prenant la direction d’une institution ou, en tout cas, en obtenant la cession d’une partie des actifs en direct. Les problèmes d’évaluation seront réglés ensuite. Si des actionnaires s’estiment lésés, les juridictions trancheront. Nous avons pu observer la situation aux Pays-Bas, où nos collègues disposaient de capacités d’action beaucoup plus grandes au travers de la banque centrale.

Trends.be

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