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Rentrées fiscales trop faibles, exode des nantis… La raison tient en deux mots

Il y a un lien évident entre le climat réglementaire fluctuant et troublé, les départs de contribuables vers d’autres cieux et les mauvaises rentrées fiscales.

Pourquoi le gouvernement se plaint-il du mauvais rendement fiscal de plusieurs impôts (accise, taxe sur la spéculation, taxe Caïman, etc.) ?

Pourquoi plusieurs milliers de Belges ont-ils choisi d’aller s’établir en Suisse ou au Luxembourg ces dernières années ? Alexandre Van Damme, grand actionnaire d’AB InBev, n’est en effet pas le seul à avoir déménagé. Il y aurait environ 47.000 Belges partis résider au Grand-Duché de Luxembourg ou en Suisse. C’est 10 % de plus qu’en 2014 nous dit L’Echo.

La réponse tient en deux mots : confiance et stabilité.

Confiance et stabilité sont aujourd’hui ce que le labourage et pâturage étaient hier : les deux mamelles du pays, un appareil nourricier indispensable à la croissance et à la prospérité de tous.

Il n’y a pas de mystère. Sans stabilité, pas de confiance, et sans confiance, l’activité économique tourne au ralenti

Il n’y a pas de mystère. Sans stabilité, pas de confiance, et sans confiance, l’activité économique tourne au ralenti parce qu’aucune prévision n’est possible. Comment un chef d’entreprise peut-il estimer ce que sera la demande pour ses produits ces prochaines années et bâtir en conséquence des plans d’investissement et d’embauche si les consommateurs sont apeurés, si l’environnement fiscal change tous les six mois et si les prix sont volatils ?

Ce n’est pas un hasard si le pilier de la politique européenne s’appelle “pacte de stabilité et de croissance” et si l’objectif poursuivi par la Banque centrale européenne est la stabilité des prix.

Pourtant, il y a un domaine crucial dans lequel l’instabilité règne en maître, c’est celui de la fiscalité. Il suffit de considérer la manière dont on traite la fiscalité des dividendes dans notre pays depuis 50 ans pour se convaincre que nous aurions bien besoin d’un pacte de stabilité fiscale.

En realpolitik fiscale, en effet, il y a deux règles auxquelles un Etat doit obéir sous peine de voir ses coffres se vider. La première est : trop d’impôts tue l’impôt. Au-delà d’un certain seuil, un impôt est considéré comme confiscatoire et on cherche à l’éluder. Mais un second principe est tout aussi important : trop de changements rendent le contribuable défiant.

Or, ces derniers temps ont été chahutés. En quelques années le précompte mobilier est passé de 15 à 30 %. Les investisseurs ont été frappés d’une taxe sur la spéculation particulièrement inefficace. Le plafond de la taxe sur les opérations de Bourse vient d’être remonté. Les multinationales ont été obligées par l’Europe de rembourser à l’Etat les bénéfices de décisions anticipées de l’administration qui leur avaient pourtant été favorables (les excess profit rulings). D’autres rulings, sur les plus-values internes réalisées lors de l’apport d’une société opérationnelle à une holding, risquent demain de ne plus pouvoir avoir lieu… Quant à la notion de prescription fiscale, elle en prend un sacré coup avec la dernière DLU qui oblige les fraudeurs repentis à payer une amende de 36 % sur les capitaux fiscalement prescrits mais pour lesquels un contribuable ne pourrait pas prouver qu’il a payé l’impôt. Or on sait qu’après une dizaine d’années, il est bien difficile de retrouver des documents bancaires. Et les contribuables repentis ont vu encore leur tension augmenter dangereusement la semaine dernière en apprenant qu’un haut responsable de l’ISI, Karel Anthonissen, avait en son nom personnel introduit une plainte générale auprès des divers parquets du pays parce qu’il estime que lors des DLU précédentes, des capitaux n’auraient pas été dûment déclarés.

Il y a un lien évident entre ce climat fluctuant et troublé, les départs de contribuables vers d’autres cieux et les mauvaises rentrées fiscales. Le gouvernement voudrait réformer et simplifier l’impôt des sociétés et celui des personnes physiques. C’est une excellente idée. Mais en gardant à l’esprit qu’il y a une confiance à reconquérir et une stabilité à reconstruire.

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