Pourquoi un défaut de la Grèce ne fait plus si peur

L’accord signé jeudi par les dirigeants de la zone euro avalise la perspective d’un défaut de la Grèce sur une partie de sa dette. Un événement longtemps comparé à la faillite de Lehman Brothers. Les marchés semblent pourtant satisfaits. Explications.

A l’issue d’une réunion cruciale pour l’avenir de toute la zone euro, les dirigeants européens se mis d’accord jeudi soir sur un accord pour réduire la colossale dette de la Grèce. Une solution qui devrait déboucher sur un défaut de paiement du pays. Un événement inédit dans l’histoire de la zone euro. Les Bourses européennes ont pourtant salué cet accord, valeurs bancaires en tête. Voici pourquoi ce plan rassure plutôt même s’il ne lève pas tous les doutes.

Les Européens se sont enfin mis d’accord sur un nouveau plan

La dette grecque atteint 350 milliards d’euros, soit près de 160% du PIB. Pour commencer à réduire son endettement, la péninsule hellénique doit dégager un excédent primaire (excédent budgétaire hors charges de la dette) d’au moins 6 points de PIB. Aucun pays, hormis la Norvège grâce à sa rente pétrolière, n’y est jamais parvenu. Et comme 250 milliards d’euros de cette dette sont en circulation, la Grèce doit se refinancer sur les marchés financiers quotidiennement pour honorer ses échéances. Mais les taux auxquels elle pourrait emprunter sont prohibitifs (16 à 17% contre 2,5% pour l’Allemagne). C’est pourquoi la zone euro a décidé jeudi – après plus d’un mois d’atermoiements – d’accorder une nouvelle aide financière au pays, d’un montant global de 109 milliards d’euros, pour lui permettre de rembourser ses créanciers jusqu’en 2014 sans avoir recours aux marchés. “Les marchés étaient nerveux depuis deux semaines car ils s’inquiétaient de l’impossibilité de la zone euro à s’entendre sur un nouveau prêt à la Grèce. Ils sont aujourd’hui rassurés”, commente Jean-François Robin, stratégiste chez Natixis.

Le fardeau de la dette pour la Grèce va être allégé

“La soutenabilité de la dette grecque doit être améliorée”, a déclaré la chancelière allemande Angela Merkel à son arrivée au sommet, jeudi. Les pays de la zone euro se sont ainsi entendus pour porter de 7 ans et demi à 15 ans, au minimum, la durée de ses prêts aux pays en difficulté. Cela concerne bien sûr la Grèce et son nouveau prêt, mais aussi l’Irlande et le Portugal. Parallèlement, le taux d’intérêt qui leur est demandé en échange de l’aide sera réduit de 4,5% à 3,5%, ce qui diminuera la charge de leur dette. Pour la Grèce, cela va encore plus loin. Pour réduire le volume de la dette grecque, le Fonds européen de stabilité financière (FESF) va en racheter une partie à prix “cassé” (60% de la valeur faciale), ce qui se traduira par une réduction d’environ 12,6 milliards d’euros du montant de la dette. Au total, sur la période 2011-2014, la Grèce pourrait voir sa dette publique allégée d’au moins 26 milliards d’euros, soit 12% du PIB, a déclaré le premier ministre grec Georges Papandréou.

La perspective d’un défaut est désormais assumée

L’Allemagne est en effet parvenue à imposer que les créanciers privés du pays (banques, assurances, fonds de pension…) participent à la restructuration de la dette grecque. Leur contribution est chiffrée à environ 50 milliards d’euros sur la période 2011-2014, dont 37 milliards viendront d’une “contribution volontaire”. Ils auront le choix entre deux options, outre la participation à un programme de rachat de leurs crédits. Soit échanger les obligations grecques qu’ils détiennent contre des titres de plus longue durée, jusqu’à 30 ans. Cela permet de rééchelonner la dette. Soit prêter à nouveau de l’argent à la Grèce lorsque celle-ci rembourse les dettes arrivées à échéance. Mais toutes ces solutions impliquent une modification du contrat initial entre la Grèce et ses créanciers. Ce qui est considéré par les agences de notation comme un “événement de crédit” assimilé à un défaut de paiement. L’accord européen ne fait aucune référence directe à un défaut de la Grèce, mais reconnaît le pays “requiert une solution exceptionnelle et unique”.

Mais les risques de contagion sont circonscrits

Pourquoi la BCE, qui s’est fermement opposée des semaines durant à tout défaut de la Grèce, craignant un “effet Lehman Brothers”, a-t-elle finalement accepté cet accord? D’abord parce que “tous les autres pays de la zone euro (y) réaffirment solennellement leur détermination inflexible à honorer pleinement leur propre signature souveraine”. Autrement dit, aucun autre Etat ne sera autorisé à faire défaut.

Ensuite, parce que la participation du secteur privé au nouveau plan de sauvetage d’Athènes est limitée et ne porte que sur une partie de la dette de la Grèce. C’est pourquoi on parle d’un défaut sélectif ou partiel. Ce défaut ne devrait en outre durer que “quelques jours”: si ces mesures contribuent effectivement à réduire la dette grecque, les agences de notations pourraient en effet rapidement retirer les obligations du pays de la catégorie “défaut sélectif”.

Enfin, parce que la BCE a obtenu que les Etats prennent leurs responsabilités. En principe, en effet, elle ne peut accepter des obligations publiques entachées d’un défaut comme garantie pour prêter de l’argent aux banques. La zone euro s’est donc engagée à fournir à la BCE des garanties financières pour qu’elle continue à prêter de l’argent aux banques grecques, même en cas de défaut de paiement. Ce qui lève la menace d’asphyxie du système financier grec. La FESF va par ailleurs prêter 25 milliards d’euros à la Grèce pour recapitaliser ses banques. En outre, c’est désormais au FESF que reviendra le rôle d’acheteur en dernier ressort. C’est-à-dire qu’il est autorisé à racheter des obligations d’Etat sur le marché secondaire. Cela va soulager le bilan de la BCE, qui assumait ce rôle à contrecoeur depuis mai 2010.

Emilie Lévêque – L’Expansion.com

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content