Pourquoi Merkel a viré sa cuti sur l’effacement de la dette grecque

© Reuters

La Chancelière n’exclut pas un nouvel effacement de la dette de la Grèce. Une prise de position délicate, mais réaliste, à un an des élections législatives en Allemagne.

Les derniers propos d’Angela Merkel sur la Grèce font le tour des medias. Et pour cause : pour la première fois, la Chancelière n’exclut pas un nouvel effacement de la dette du pays, ce qui signifie que la Grèce ne rembourserait pas la totalité des fonds qu’elle a reçu de la part des Etats européens. A moins d’un an des élections législatives dans le pays, prévues pour le 22 septembre 2013, de tels propos peuvent paraître suicidaires. La Grèce en effet est un sujet sensible pour les contribuables allemands. Mais en même temps, la déclaration d’Angela Merkel a le mérite d’être réaliste. Elle ne fait que reconnaître ce que plusieurs experts affirmaient au lendemain même de l’accord de réduction de la dette grecque conclu la semaine dernière par l’UE, la BCE et le FMI.

Or c’est justement ce que demande l’opposition à la chancelière. Depuis plusieurs semaines, le principal parti d’opposition, les sociaux-démocrates (SPD), reproche à Mme Merkel de ne pas dire la vérité sur la Grèce. Le candidat à la chancellerie pour ce parti, Peer Steinbrück, a ainsi accusé cette dernière de “faire la danse des sept voiles” sur la Grèce, dans un discours devant les députés allemands, le 21 novembre dernier.

Une aide financière qui reste en suspens

La critique est un peu sévère. Angela Merkel s’est toujours montrée plus pessimiste que François Hollande sur la sortie de crise. Et jusqu’ici, elle a eu raison. Car en dépit des apparences, la Grèce est encore loin de voir le bout du tunnel. En fait, elle n’est même pas encore sûre de toucher l’aide financière de 43,7 milliards d’euros promise il y a quelques jours et qui lui permettrait d’éviter un défaut de paiement ! Cette aide doit être validée le 13 décembre prochain par les ministres des finances de la zone euro. Mais ces derniers n’approuveront le sauvetage que si le programme de rachat de dette qui vient d’être lancé donne satisfaction. Or ce programme de “buy back”, qui permet à la Grèce de racheter une partie de sa dette au secteur privé, laisse certains créanciers sceptiques. Lancée en 2010, l’idée n’a par exemple jamais convaincu le FMI. Actuellement, le système de rachat est donc ” testé ” : le gouvernement propose de racheter les obligations publiques grecques aux investisseurs privés à un prix sacrifié. L’offre se termine le 7 décembre. Si elle permet de racheter un montant de dette satisfaisant, la Grèce recevra son aide financière, comme prévu. Dans le cas contraire, il faudra alors trouver une mesure de remplacement pour boucler le financement du plan de sauvetage. Ce qui veut dire de nouvelles discussions et probablement de nouvelles tensions au sein de la zone euro.

Des experts très pessimistes

Mais même si la Grèce évite ce premier écueil, elle en trouvera d’autres sur sa route. A plus long terme, la question de savoir comment la Grèce peut retrouver de la croissance reste posée. Son retour sur les marchés aussi. Sur ces deux points, tout va dépendre de la mise en oeuvre des réformes en Grèce et de la capacité de la Troïka à éviter une spirale récessive menant à la dépression économique. Autant dire que la situation du pays, à moyen terme, reste incertaine.

L’agence Moody’s estime d’ailleurs que, malgré l’accord récent, le poids de la dette de la Grèce demeure insoutenable” “Nous maintenons que la probabilité d’un nouveau défaut sur la dette est élevée. Dans la mesure où 70% du stock de dettes est aux mains des créanciers publics, seule une réduction du principal contrôlé par ces créanciers publics rendrait à cette dette un semblant de soutenabilité”, écrivent les auteurs de la note. En d’autres termes, les Etats – et donc les contribuables – devront eux aussi mettre la main à la poche. Pendant longtemps, Angela Merkel s’est opposée farouchement à cette idée. Mais ce n’est pas la première fois que la Chancelière change son fusil d’épaule. “Elle a dû avaler quelques couleuvres depuis le début de la crise”, rappelle un expert. Les deux plus grosses sont certainement le plan de relance de 3 points de PIB décidé en 2009 sous la pression du G20 (alors que la France faisait beaucoup moins d’efforts et que les programmes de relance ont laissé de mauvais souvenirs aux Allemands dans le passé) et le programme d’achat d’obligations souveraines par la BCE. Avec la Grèce, Angela Merkel devra sera sans doute à nouveau acculée au compromis.

Trends.be avec L’Expansion

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