Pourquoi les bourses et le pétrole chutent tandis que le yen monte

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Que la catastrophe japonaise plombe les bourses peut se comprendre. Mais que le pétrole baisse tandis que le yen s’apprécie paraît plus paradoxal. Explications.

La panique s’empare des Bourses

Qu’elles soient directement exposées à la situation au Japon ou pas, quasiment toutes les entreprises voient leurs titres baisser sur les bourses mondiales. Car les inquiétudes portent désormais sur l’effet d’une possible catastrophe nucléaire sur la croissance mondiale. Les investisseurs font donc à peine le tri et vendent toutes leurs actions. Après la chute de 10,5% subie par Tokyo, les bourses européennes ont également dévissé: -3,19% à Francfort, -3,05% à Bruxelles, -2,51% à Paris, -1,38% à Londres tandis qu’à New York, le Dow Jones abandonnait 1,72%. En France, l’ensemble des valeurs du CAC 40 sont dans le rouge. Idem pour le SBF 120. Une exception toutefois : EDF EN, spécialisée dans l’éolien, qui profite de l’aversion au nucléaire. Et les bourses devraient continuer de chuter à mesure que les Japonais liquident leurs actions et rapatrient les fonds nécessaires à la reconstruction.

Les pertes sont néanmoins plus ou moins sévères selon les activités. Le secteur nucléaire est malmené alors que la crise pourrait remettre en cause les programmes mondiaux de développement de cette énergie. Les titres dans le luxe sont également particulièrement touchés, le Japon étant l’un de ses principaux débouchés. Enfin les valeurs de haute technologie sont aussi en forte baisse. Et pour cause, le Japon est l’un des premiers producteurs mondial de semi-conducteurs avec 20% de part de marché. Or de nombreuses usines sont fermées.

Le pétrole retombe

Rien ne semblait pouvoir freiner l’ascension du brut. La catastrophe au Japon aura réussi à faire repasser le baril de Brent de la mer du Nord pour livraison en avril brièvement sous les 110 dollars, pour la première fois depuis le 24 février. Il a perdu 3% de sa valeur sur la seule journée de mardi. En cause, la possibilité d’une forte diminution à court terme de la demande de brut du Japon, troisième consommateur mondial. “Dans l’immédiat, avec la fermeture de capacités de raffinage de 1,2 million de barils par jour (soit un tiers des capacités du pays, ndlr), l’impact est négatif pour les prix du pétrole”, car cela suppose une nette diminution des importations de l’archipel, commente Christophe Barret, de Crédit Agricole. En outre, “les destructions matérielles, le rationnement de l’électricité et les dommages infligés aux infrastructures devront pénaliser, à court terme, la croissance économique du Japon”.

Mais plus que les effets sur la demande japonaise, ce sont les craintes sur les éventuelles répercussions sur l’environnement économique mondial qui influent sur le prix du pétrole. Des inquiétudes qui affectent les acheteurs du secteur financier. “Ceux qui régissent une partie du prix du pétrole aujourd’hui sont les investisseurs, qui achètent du pétrole en tant qu’indicateur de l’économie mondiale et en tant que moyen de se couvrir contre l’inflation, explique Emmanuel Fages, responsable de la recherche énergie chez SGCIB. La baisse du pétrole révèle surtout que les investisseurs craignent que la catastrophe au Japon pèse sur la croissance mondiale”.

L’ascension paradoxale du yen

La Banque du Japon a beau avoir injecté le montant inédit de 200 milliards d’euros sur le marché monétaire en deux jours, le yen refuse de baisser. Mardi, le dollar reculait ainsi face à la devise nippone à 80,85 yens contre 81,65 yens. Les marchés anticipent en effet que les Japonais, qui ont besoin d’argent pour reconstruire le pays, vont bientôt rapatrier leurs actifs de l’étranger, ce qui poussera la devise à la hausse. Au total, le pays détient près de 6000 milliards de dollars d’actifs internationaux. Les marchés craignent notamment que les assureurs japonais rapatrient leurs fonds détenus à l’étranger pour faire face aux demandes d’indemnisation. Certains analystes considèrent par ailleurs que, de manière paradoxale, le yen continue d’être considéré comme une valeur refuge.

Le “flight to quality”

Où va donc l’argent qui fuit désormais les actions et autres placements risqués ? Sur les obligations des pays les mieux notés. Les investisseurs se précipitent ainsi sur le Bund allemand et l’OAT française mais aussi sur les obligations autrichiennes, finlandaises et néerlandaises. Même les taux du bon du Trésor américain chutent.

En revanche, aucun impact n’est constaté sur le marché des obligations japonaises, réputé pour être essentiellement domestique. Il aurait pu bénéficier de la désaffection pour les actions nippones mais “le marché de la dette japonaise ne profite pas vraiment de la catastrophe, puisqu’on peut imaginer que le coût sera gigantesque et pèsera sur les finances publiques”, indique Cyril Regnat, stratégiste obligataire chez Natixis.

Par Laura Raim, Lexpansion.com

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