“Pourquoi le sauvetage de la Grèce s’éternise”

© Thinkstock

Les discussions jouent les prolongations entre la Grèce et ses créanciers. Il manque encore 17 milliards pour boucler le plan de sauvegarde. Mais même si le temps presse, un défaut désordonné de la Grèce semble peu probable. Les explications de Pierre Ciret, économiste chez Edmond de Rothschild AM.

Le plan de sauvetage pour la Grèce ne permettra pas de ramener comme prévu la dette publique du pays à 120% du PIB d’ici 2020, laissant un trou à combler, ont indiqué jeudi des sources gouvernementales, s’appuyant sur le rapport de la troïka présenté la veille à l’Eurogroupe. Le plan, qui comprend un programme d’austérité, l’effacement partiel de la dette détenue par les créanciers privés et un programme d’aide sous forme de prêts et de garanties à hauteur de 130 milliards d’euros, ramènerait en fait la dette grecque à 129% du PIB, contre 160% actuellement. Il reste donc un trou à combler, équivalent à 9% du PIB, soit environ 17 milliards d’euros. Les explications de Pierre Ciret, économiste chez Edmond de Rothschild AM.

La tension est encore montée d’un cran sur le dossier Grec. Le plan de sauvetage ne réduira pas la dette du pays autant que prévu. Comment cela est-il possible ?

Tout simplement parce que les négociations s’éternisent et que pendant ce temps, l’économie grecque se dégrade ce qui pèse sur les finances publiques. L’idéal aurait été de boucler le dossier grec rapidement. Cependant, on le sait bien, l’Europe ne sait pas faire dans l’urgence. Parallèlement, la Troïka n’est pas la seule à négocier avec la Grèce. Il faut aussi trouver un accord avec les créanciers privés. Enfin, la Grèce reste un pays mal géré. Elle a, par exemple, beaucoup de mal à capter l’impôt. Les privatisations seront également difficiles à réaliser. Au départ, elles devaient rapporter 50 milliards d’euros. Mais on sait bien que cela ne sera pas le cas car peu d’entreprises publiques gagnent de l’argent en Grèce. En fait, ce n’est pas surprenant si le plan de sauvetage coûte un peu plus cher que prévu. L’important, c’est qu’au final, la Grèce touche une partie des fonds pour éviter une faillite désordonnée.

Etes-vous optimiste sur la possibilité de trouver un accord rapidement ?

Oui. On peut trouver regrettable la façon dont les choses se passent. On peut être exaspéré par cette cacophonie européenne. Cependant, il ne faut pas non plus se faire peur. Tout d’abord, grâce à l’intervention de la BCE, on est beaucoup plus sûr de la résistance du système bancaire européen. Par ailleurs, la Grèce bénéficiera sans doute d’un prêt relais : une partie de l’argent sera débloqué pour que le pays puisse faire face à ses obligations financières du mois de mars. Le reste sera versé une fois les négociations terminées.

L’Europe cherche donc a gagner du temps ?

Oui. Même si le risque de contagion de la Grèce semble moins menaçant aujourd’hui qu’il y a quelques mois, grâce notamment à la BCE qui fournit énormément de liquidités aux banques, l’Europe n’a pas intérêt à laisser tomber la Grèce. En effet, cette situation créerait du stress financier supplémentaire et symboliquement, l’impact d’une telle décision serait catastrophique.

La BCE a-t-elle un rôle stabilisateur à jouer en renonçant par exemple aux plus-values qu’elle pourrait réaliser sur ses avoirs en dette grecque qui s’élèvent à quelque 60 milliards d’euros ?

Si on en croit la rumeur, la BCE pourrait choisir de transférer des obligations grecques au fonds de secours européen FESF à leur prix d’achat, laissant à ce dernier le soin de les restituer à la Grèce, avec à la clé, une plus-value potentielle. Mais l’idée derrière cette opération comptable, ce n’est pas tant d’aider la Grèce que de reste neutre. La BCE, dans cette opération, ne gagnerait ni ne perdrait de l’argent. Cette neutralité est très importante, notamment pour l’Allemagne. En fait, le rôle de la BCE n’a pas vraiment changé. Elle aide les banques européennes et grecques en leur fournissant des liquidités, mais elle n’est pas partie prenante des négociations entre la Grèce et ses créanciers privés. Et elle ne compte pas non plus acheter des titres grecs sans aucune limite. D’ailleurs, les traités européens le lui interdisent.

Propos recueillis par Sébastien Julian, L’Expansion.com

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content