Pourquoi la taxe sur la spéculation est un échec (coûteux)

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Le ministre des Finances Johan Van Overtveldt veut revoir la nouvelle taxe sur la spéculation, contournée de diverses manières par les épargnants, prenant ainsi des allures de fiasco. En effet, au lieu de gagner de l’argent… l’Etat en perd !

Cinq mois à peine après son entrée en vigueur, la nouvelle taxe sur la spéculation est un fiasco. Le ministre des Finances le dit lui-même, la taxe ne rapporte pas les recettes escomptées par le gouvernement, c’est-à-dire 34 millions d’euros par an. Tout en rappelant qu’il s’est montré dès le départ réticent à la mise en place de cette nouvelle taxe visant les soi-disant méchants spéculateurs, Johan Van Overtveldt (N-VA) propose de changer son fusil d’épaule. Interrogé par nos confrères du Tijd, il voit trois possibilités : “rectifier, abroger ou remplacer par une autre initiative dans la sphère fiscale”.

Pour rappel, depuis le 1er janvier, les gains réalisés sur la revente à court terme de titres cotés en Bourse sont soumis à cette taxe, mais elle ne concerne ni les sicav ni les obligations. Jusqu’à la mise en place de cette nouvelle taxe imaginée dans le cadre du tax shift, les plus-values sur actions étaient en effet exonérées. Suite à l’introduction de la mesure, ces dernières ont désormais taxées à hauteur de 33 % en cas de revente dans les six mois après l’acquisition (exemple : une action Delhaize achetée le 7 janvier 2016 et revendue le 6 juillet 2016 avec une plus-value). A l’heure où les placements sûrs (livrets d’épargne, etc.) ne rapportent plus rien à cause des taux d’intérêt négatifs, un tiers des gains boursiers des épargnants vont donc ainsi dans la poche de l’Etat.

Produits sophistiqués

Seulement voilà : pour éviter de devoir passer à la caisse, nombre d’investisseurs ont adapté leur comportement. Il y a d’abord ceux qui attendent désormais six mois pour effectuer une nouvelle transaction. Rien de bien sorcier. Il suffit d’attendre six mois et un jour avant de procéder à la revente du titre. Même en cas de plus-value, on ne paye pas la taxe. Le stratagème est simplissime. Mais il frappe durement les spécialistes du courtage en ligne comme Keytrade ou les sociétés de Bourse comme Leleux. Qui dit moins de transactions dit en effet moins de commissions de courtage et donc baisse du chiffre d’affaires. Raison pour laquelle Olivier Leleux, patron de la société de Bourse éponyme, se dit ravi de l’annonce faite par Johan Van Overtveldt. “J’espère que cette taxe sera de facto annulée lors du prochain conclave budgétaire, comme le propose le ministre, dit-il. Je suis prêt à participer à un groupe de discussion ou d’experts pour voir où trouver dans la fiscalité sur l’épargne d’autres revenus pour l’Etat.”

Annuler la taxe serait une bonne chose dans la mesure où celle-ci pousse aussi les investisseurs vers des produits sophistiqués – pour ne pas dire plus spéculatifs – qui échappent à la taxe : trackers et autres CFD n’y sont pas soumis. En les utilisant, on évite donc aussi d’être ponctionné. D’autres enfin contournent la taxe en passant par des brokers étrangers. Ces derniers par définition n’appliquent pas la fiscalité belge, ne prélevant ni la taxe sur les plus-values spéculatives ni la TOB (taxe sur les opérations de Bourse). Résultat des courses : non seulement la taxe sur les plus-values est contournée mais elle a aussi un impact négatif sur la TOB puisque moins de transactions sont effectuées.

L’Etat perd de l’argent

Conséquence absurde de tout cela, au lieu de gagner de l’argent, l’Etat en perd ! En, effet, non seulement la taxe sur la spéculation rapporte moins que prévu mais elle ne compense pas la baisse de rentrées pour la TOB. A fin mai, Olivier Leleux chiffre la perte nette pour l’Etat en ce qui concerne sa clientèle à 789.350 euros. Plus précisément, la nouvelle taxe a rapporté 634.000 euros mais les rentrées de la TOB chez Leleux ont baissé de près d’un million et demi (1.423.536 euros). Ce qui donne l’un dans l’autre un manque à gagner de près de 800.000 euros pour les caisses de l’Etat, rien que sur les cinq premiers mois de l’année chez Leleux donc. Bref, “je comprends bien que dans le contexte actuel, tout le monde doive participer à l’effort budgétaire, y compris les épargnants. Je ne suis opposé donc à une taxation de l’épargne pour alléger la fiscalité sur le travail, qui est une des mesures phares du gouvernement, et qui est d’ailleurs en train de prouver son efficacité, mais cette contribution doit être mise en place de la manière la plus neutre possible”, conclut Olivier Leleux.

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