Pourquoi la stratégie de Lisbonne a échoué

Elaborée en 2000, la stratégie de Lisbonne devait faire de l’Europe l’économie de la connaissance la plus compétitive du monde en une décennie. “Europe 2020”, la nouvelle stratégie de croissance présentée mercredi, doit prendre le relais. Bilan.

La stratégie de Lisbonne a-t-elle atteint ses objectifs ?

Pas du tout. Le but affiché était clair : l’UE devait devenir l’économie de la connaissance la plus compétitive en 2010. “La production manufacturière étant transférée aux pays émergents, c’est sur l’économie de la connaissance que misent les pays développés pour générer une croissance durable”, explique Cinzia Alcidi, chercheuse au Centre for European Policy Studies. Devenir la puissance la plus compétitive au monde peut sembler ambitieux, mais le contexte était bien différent : “en 2000, lorsque la stratégie est élaborée, on est en pleine vague de croissance, juste avant le crac de la bulle internet… tout semble possible”, précise Jean-François Jamet, économiste à la fondation Robert Schuman.

Pour y arriver, des objectifs intermédiaires sont fixés. La plupart n’ont pas été atteints : la croissance devait être de 3% en 2010. Elle sera probablement de 0,7% selon les estimations d’Eurostat. Quant au taux d’emploi, il devait passer de 61% en 2000 à 70% en 2010. Il est de 65,9% en 2008. Enfin, les dépenses de R&D devaient représenter 3% du PIB de chaque pays. Là encore, c’est l’échec : cette part s’élève aujourd’hui en moyenne à 1,9%. Seules la Finlande et la Suède dépassent ce seuil. “Les seuls à avoir adopté la stratégie de Lisbonne sont les Chinois,” ironise Bruno van Pottelsberghe, chercheur à Bruegel et professeur à l’Université libre de Bruxelles. Même s’ils font plus de développement que de recherche”

Tout n’est pas noir cependant. L’UE a bien ouvert à la concurrence ses marchés de la télécommunication et des services financiers. Et elle a dépassé les Etats-Unis en terme de taux de connexion ADSL.

Pourquoi ce retard dans le domaine de l’innovation?

La première raison, c’est qu’il n’existe pas de marché intérieur européen de la technologie. “Une start-up américaine qui veut vendre un produit aux Etats-Unis fait de la distribution. Une start-up d’Amsterdam qui veut vendre un produit à Anvers fait de l’exportation”, résume Bruno van Pottelsberghe. Car le “EU patent” n’existe toujours pas. “Il faut payer dans chaque pays pour déposer son brevet. Il est donc extrêmement coûteux de protéger l’innovation”. Ce manque de perspectives de marché pour valoriser la recherche n’incite guère aux investissements privés.

Ensuite, il y a clairement un manque de volonté politique. “Sur les 3% du PIB qui devait être destiné à la R et D, un tiers devait venir du public, or rien n’a changé dans ce domaine, constate le chercheur de Bruegel. C’est une question de choix : subventionne-t-on la politique agricole commune ou la recherche?”. ,

La stratégie de Lisbonne était-elle condamnée d’avance?

Dès 2004, le rapport de Wim Kok signalait que l’UE n’arriverait jamais à atteindre ses objectifs. Pour Jean-François Jamet, on assiste en fait à “l’échec d’une stratégie fondée uniquement sur des obligations de résultat, et dépourvue d’obligations de moyens.Plutôt que d’exiger que 3% du PIB soit consacré à l’innovation, il aurait fallu viser la création d’un vrai brevet européen.”Ainsi, il aurait fallu accompagner ces objectifs chiffrés d’une “réflexion sur la politique industrielle dans laquelle devait s’inscrire cette R et D”,renchérit Bruno van Pottelsberghe.Dernière critique: la stratégie de Lisbonne était trop uniforme. En effet,“elle n’a as pris en compte les spécificités de chaque pays, souligne le chercheur de Bruegel. “On ne peut pas demander à un pays comme la Finlande qui est déjà spécialisée dans les technologies de l’information et à l’Italie, qui est spécialisée dans les textiles, d’arriver au même objectif de 3% du PIB consacré à la R et D”..

Laura Raim
Trends.be, L’Expansion.com

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