Pourquoi la France n’annulera pas la dette immobilière des ménages comme l’Islande?

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L’Islande va annuler 500 millions d’euros de dette immobilière de ses ménages, pour doper leur revenu disponible. La France devrait-elle suivre cet exemple?

Annuler une partie de la dette publique d’un Etat? C’est possible. Les Européens l’ont fait avec la Grèce en 2012. Annuler la dette des ménages? C’est également possible. L’Islande va le faire.

Le gouvernement islandais de centre-droit a annoncé samedi 30 novembre un plan pour alléger les dettes des ménages qui ont contracté un emprunt immobilier indexé sur l’inflation. Cet allégement de dettes, qui dépend du montant emprunté, sera plafonné à 24.400 euros par ménage. Il se traduira par un effacement de 5 à 6% en moyenne de la dette immobilière des ménages islandais. La mesure coûtera 500 millions d’euros au total sur quatre ans (2014-2017), soit 4,7% du PIB islandais.
Elle sera financée par une taxation des banques et des fonds qui gèrent les actifs des banques islandaises ayant fait faillite en 2008, ainsi que par l’annulation de 25 millions d’euros de dette détenue par des investisseurs étrangers.

“Actuellement, la dette des ménages équivaut à 108% du PIB, ce qui est élevé au plan international. La mesure va doper le revenu disponible des ménages et encourager l’épargne”, a affirmé le gouvernement islandais dans un communiqué. La France n’aurait-elle pas intérêt à faire pareil ? Cette mesure relancerait-elle le pouvoir d’achat des ménages, la consommation et donc la croissance de l’Hexagone?
La réponse est : non ! Pire prendre ce genre d’initiatives ne serait même pas souhaitable pour nos voisins français.

800 milliards d’euros de crédits immobiliers L’endettement des ménages français en immobilier a doublé entre 2005 et 2011, passant de 442 milliards d’euros début 2005 à 800 milliards d’euros (1). Fin septembre 2013, l’encours des crédits à l’habitat est d’un montant équivalent (2).

A moins de risquer un effondrement du système bancaire français, l’Etat devrait compenser ces pertes pour les établissement de crédit. Or 800 milliards d’euros, cela représente 40% du PIB tricolore ! S’il décidait de n’annuler que 5% de la dette immobilière des ménages français, l’Etat devrait quand même débourser 40 milliards d’euros, soit deux points de PIB. Annuler une partie de la dette immobilière des ménages français est donc financièrement insoutenable. En outre, ce n’est économiquement pas justifié.

Contrairement aux Islandais, les Français font face sans grandes difficultés au remboursement de leur crédit immobilier. La preuve: les dettes immobilières ne sont présentes que dans 10,9% des dossiers de surendettement au troisième trimestre, contre 85,5% pour les dettes à la consommation, selon le baromètre de la Banque de France pour le troisième trimestre 2013. L’encours de dettes immobilières douteuses s’élève à 550 millions, soit 0,06% du total des

Une mesure anti-redistributive

La France fait figure de bonne élève par rapport à ses voisins européens, les indicateurs de fragilité financière y sont plus faibles : le ratio dettes sur le total des actifs s’élève à 18,9%, contre 21,8% en zone euro ; le ratio dettes sur revenus est de 50,4% contre 62% en moyenne en zone euro ; et le ratio remboursement sur revenus atteint 13% contre environ 14% pour l’ensemble de la zone euro, selon une étude de la banque de France (3).

Surtout, les ménages endettés à l’habitat ont généralement un niveau de vie élevé: ils disposent d’un revenu disponible de 50.200 euros et d’un niveau de vie de 29.900 euros, contre respectivement 32.400 et 20.400 euros pour les ménages endettés à la consommation, selon l’Insee. Résultat: les ménages qui ont une dette immobilière sont peu susceptibles de faire face à des privations matérielles, contrairement aux ménages qui ont un crédit à la consommation.

“Non seulement la dette immobilière des ménages français est totalement solvable, mais l’annuler serait une mesure anti-redistributive, car cela donnerait du pouvoir d’achat aux plus aisés”, conclut Jean-Christophe Caffet, économiste chez Natixis. Or les ménages aisés ont une propension plus forte à épargner que les ménages modestes. Leur redistribuer du revenu disponible ne doperait donc pas la consommation, moteur de la croissance en France.

(1) Selon une étude de l’Insee publiée mi-novembre.

(2) 806 milliards d’euros selon les statistiques de la banque de France.

(3) “Patrimoine et endettement des ménages dans la zone euro”, deuxième trimestre 2013.

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