Pieter Timmermans: “un impôt des sociétés à 24%, c’est faisable!”

Pieter Timmermans, administrateur délégué de la FEB. © Belga

La FEB a déposé un plan pour baisser de 10 points le taux de l’impôt des sociétés. La mesure, estimée à 3,8 milliards d’euros, est entièrement financée par une série de réformes au sein de l’Isoc.

En début d’année, le gouvernement a annoncé qu’il présenterait une réforme de l’impôt des sociétés lors de la confection du budget 2017. “Nous avions alors deux options : attendre ou essayer de faire notre propre proposition de réforme”, raconte Pieter Timmermans, CEO de la Fédération des entreprises de Belgique. L’organisation patronale a opté pour la seconde option, elle a réuni les fédérations sectorielles et la réflexion a abouti à un plan de 35 pages transmis au gouvernement.

Principe de base : une baisse sensible du taux d’imposition intégralement autofinancée, c’est-à-dire en restant à l’intérieur de l’impôt des sociétés. Pas question d’aller chercher des moyens dans la poche du consommateur ou de l’investisseur. La FEB ne parlera donc pas de hausse du précompte mobilier ou de taxation des plus-values. Cela limite les marges de manoeuvre et c’est pourquoi la FEB “se contente” d’une baisse de 10 points pour ramener le taux de 34 à 24%, au lieu des 20% qui circulent dans les actuels projets gouvernementaux.

Cette baisse se déroulerait en deux temps. Dès l’année prochaine, on passerait à 29% dans le régime général et à 24% pour la première tranche de 50.000 euros de bénéfices imposables. Les plus petites entreprises et les starters basculeraient ainsi totalement vers le taux de 24% dès 2017. Mais, évidemment, ABInbev et d’autres en profiteraient aussi pour leur première tranche de bénéfices. Le taux de 24% serait généralisé à partir de 2019.

En vitesse de croisière, cette réforme priverait l’Etat de 3,8 milliards d’euros chaque année. Voici comment la FEB propose de financer cela :

  • La mise en oeuvre des décisions internationales et européennes sur les rulings, les prix de transferts entre filiales, le plafond de déductibilité des intérêts ou la facilitation des contrôles par les administrations nationales. Ces nouvelles règles du jeu devraient faire gagner plusieurs centaines de millions d’euros au fisc belge.
  • La suppression d’une dizaine de petits postes de déductibilité, comme l’exonération des plus-values sur les ventes de véhicules ou les libéralités. “Mais nous conservons les niches qui ont le plus grand intérêt économique, précise Pieter Timmermans. On ne touche pas aux aides fiscales à la R&D et aux investissements par exemple.” Le tax-shelter pour l’audio-visuel est aussi préservé. La FEB consent par ailleurs à la révision de certaines dépenses non-admises (frais de restaurant et de voitures). Cet élagage doit considérablement simplifier la fiscalité des entreprises et, par conséquent, réduire tant les frais comptables pour les sociétés que ceux liés à l’enregistrement et au contrôle par l’administration.
  • Des modifications comptables pour passer à des amortissements linéaires plutôt que dégressifs et pour limiter la récupération des pertes reportées.
  • Des règles plus strictes concernant les versements anticipés. “Les majorations pour insuffisance de versements ne sont pas appliquées en-dessous d’un certain seuil, explique Jean Baeten, le spécialiste Fiscalité de la FEB. Ce sont souvent des petits montants mais je vous assurer que le total peut devenir conséquent.” Le gouvernement a déjà avancé dans cette voie en fixant un taux plancher pour le calcul des pénalités. L’impact est ici surtout au niveau de la trésorerie puisque ce qui se paiera en plus en anticipés se paiera en moins lors de l’enrôlement.
  • Les intérêts notionnels sont maintenus mais largement rabotés. D’une part, avec un gel du taux (2% pour les PME, 1,25% pour les autres) ; d’autre part avec un plafonnement du montant déductible. “Le principe d’un traitement fiscal équitable entre les fonds propres et les emprunts est sauvegardé, ce qui nous semble très important, précise Pieter Timmermans. Cela restera intéressant pour les entreprises qui ont une activité économique ici, et notamment aux PME qui recourent de plus en plus aux intérêts notionnels, mais beaucoup moins pour les sociétés de financement internes à quelques grands groupes.”

Pas de taxation des plus-values

Toutes ces mesures ne passent pas toujours aisément la rampes dans le monde patronal, que ce soit le corsetage du report des pertes ou un nouveau tour de vis dans les frais de restaurant et de voitures. Mais c’est le prix à payer pour éviter que la baisse de l’Isoc n’entraîne une taxation des plus-values ou une hausse du précompte mobilier. “Comment voulez-vous susciter de l’esprit d’entreprise et inciter les jeunes à lancer leur start-up, si vous les taxer durement le jour où ils revendent leur société à un grand groupe ?”, lance le patron des patrons belges.

Qu’on ne se méprenne pas sur les concessions avancées : elles ne valent, prévient Pieter Timmermans, que dans le cadre d’un Isoc à un maximum de 24% et avec l’introduction de la consolidation fiscale dans le droit belge (les résultats de la société mère et des filiales sont additionnés), comme cela existe dans la plupart des pays européens. “Si on reprend nos propositions pour boucler le budget et non pour baisser l’impôt des sociétés, alors nous monterons aux barricades”, dit-il, en rappelant que la baisse du taux des intérêts notionnels a profité au budget de l’Etat et non à une révision de l’Isoc. Cela représente plus de 2,5 milliards d’euros entre 2010 et 2014. En revanche, les éventuels effets-retours de la réforme ne sont pas inclus dans le modèle de financement et profiteront bien, eux, au budget de l’Etat.

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