Daan Killemaes

Pensions: ‘Le gouvernement Michel a peur de sa propre politique’

Daan Killemaes Economiste en chef de Trends Magazine (NL)

Le gouvernement Michel sait ce qu’il doit faire pour que le financement du vieillissement de la population reste viable, mais comme les élections se profilent à l’horizon, il a peur de sa propre politique, estime le rédacteur en chef du Trends néerlandophone Daan Killemaes.

Le gouvernement Michel commence à souffrir de la maladie de Juncker. “Nous savons ce que nous devons faire, mais nous ne savons pas comment nous faire réélire si nous le faisons”, disait l’homme politique luxembourgeois Jean-Claude Juncker en 2011, en pleine crise de l’euro. Le gouvernement Michel sait ce qu’il doit faire pour maintenir le vieillissement de la population payable, mais maintenant que les élections se profilent à l’horizon, il a peur de sa propre politique. Sabrer dans les droits de pension des plus de 50 ans au chômage se révèle soudain un pont trop loin.

Cette mesure n’est pas évidente. Celui qui se retrouve involontairement au chômage après cinquante ans retrouve difficilement un emploi, et les pensions légales pour employés et indépendants sont déjà relativement faibles. Ce n’est pas la taille de l’abreuvoir des pensions qui est le problème, mais le nombre de personnes qui viennent s’y abreuver. C’est la raison pour laquelle les mesures qui renforcent le lien entre le nombre d’années travaillées et la taille de la pension sont un must absolu dans le contexte belge, où l’âge moyen de la pension est bas, le taux d’emploi des plus de 50 ans faible et les finances publiques vulnérables. Cette dernière décennie, notre pays a été trop généreux avec la distribution des droits de pension aux personnes qui ne travaillent pas. Démanteler l’impayable n’est pas une dégradation sociale.

Le gouvernement Michel a fait des ajustements en prenant des mesures peu populaires au début de la législature, comme le relèvement de l’âge de la pension. Grâce à cela, les surcoûts du vieillissement diminueraient de moitié, bien que cette allégation repose sur des hypothèses particulièrement optimistes, comme une augmentation de la productivité et du taux d’activité chez les plus de 50 ans. Mais même si les astres s’alignent, il est nécessaire de faire plus pour continuer à pouvoir financer le vieillissement de la population. Des finances publiques saines sont une condition de base pour assurer la protection sociale sur le long terme. L’opposition devrait aussi savoir cela, elle qui critique vertement la politique des pensions du gouvernement, mais qui ne peut présenter qu’un Fonds de vieillissement vide et la lourde facture des choix politiques antérieurs

Le gouvernement a troqué la poursuite du renforcement des fondamentaux économiques contre une dose supplémentaire de cohésion sociale

Le gouvernement Michel ménagera la chèvre et le chou pendant le reste de sa législature, une discipline dans laquelle il est devenu très doué au cours des dernières années. Le gouvernement a mis tellement d’accents sociaux dans la politique de reprise, qu’il rattrape fréquemment le gouvernement Di-Rupo à gauche. Il a troqué la poursuite du renforcement des fondamentaux économiques contre une dose supplémentaire de cohésion sociale. Au lieu de faire grève et de manifester, les syndicats pourraient tout aussi bien défiler dans les rues en jubilant, le 10 octobre, car ils ont obtenu beaucoup. Mais ils refusent de célébrer leurs victoires.

Réjouissez-vous, syndicats, car le tax shift fait surtout progresser les salaires les plus bas. À vitesse de croisière, cette mesure aura augmenté le salaire net minimum de 10 %. Les salaires les plus élevés augmentent à peine de 1% en net. Avec ce focus sur les salaires les plus bas, le gouvernement Michel poursuit la politique des années précédentes. Les impôts sur le travail sont devenus plus progressifs depuis 2009, et le tax shift renforce cette tendance. En répartition, la Belgique faisait déjà partie des meilleurs de la classe. Les jérémiades du CD&V pour des impôts équitables font complètement l’impasse sur ce que le parti a déjà réalisé sur ce plan. Le gouvernement met trop peu le côté social du tax shift en avant.

Jubilez, syndicats, car le gouvernement Michel a rendu l’économie plus intensive en emploi. Cela s’est accompagné d’un saut d’index, mais la hausse plus lente des salaires a été compensée par des emplois supplémentaires. Au total, le pouvoir d’achat des ménages augmente. La solidarité des syndicats va tout de même plus loin que l’intérêt de ses membres ? Ou ne souhaitent-ils pas de plus grandes chances aux chômeurs d’avoir un travail ?

Exultez, syndicats, car le gouvernement a déjà fortement puisé dans le porte-monnaie des nantis. La hausse du précompte mobilier à 30% est le joyau d’un certain nombre de hausses d’impôt sur les investissements. L’impôt sur les comptes-titres est un pur impôt sur la fortune, qu’un prochain gouvernement pourra très rapidement augmenter.

Triomphez, syndicats, car le gouvernement Michel mène aussi une politique qui prête attention au pouvoir d’achat des prestations sociales. Il n’est pas question de coupes dans la sécurité sociale. Dans les pensions, par exemple, nous nous dirigeons vers une pension de base où le lien entre le travail et la taille de la pension est en danger. Des experts de la pension plaident pour un malus pension, une diminution de la pension de 5% par année de pension anticipée, comme une des mesures les plus efficaces pour maintenir les gens plus longtemps au travail. Mais c’est beaucoup trop inaccessible pour un gouvernement qui souffre de la maladie de Juncker.

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