“Participer à une grève sans piquet revient à voir sa rémunération rabotée”

CNE © BELGA

La proposition de loi sur le travail, déposée par le MR mercredi, reste en travers de la gorge de la CNE. Le syndicat chrétien dénonce “les prétextes du MR pour tenter de torpiller le droit de grève”. De l’autre côté du ring, “le débat sur le droit de grève a tous les traits d’une grève sauvage”, estime la FEB.

La CNE dénonce “les prétextes du MR pour tenter de torpiller le droit de grève”

Olivier Chastel et Denis Ducarme, respectivement président du MR et chef de groupe MR à la Chambre, ont donc annoncé hier mercredi avoir déposé leur proposition de loi sur le droit au travail. Et ce, tout en assurant ne pas vouloir remettre le droit de grève en question en dépit des “excès constatés” lors de certaines actions syndicales. L’objectif de ce texte “est de garantir aux travailleurs le droit de pouvoir accéder librement à leur lieu de travail, d’y circuler, d’y accomplir leurs activités et d’assurer les nécessités fondamentales liées à l’infrastructure”, ont annoncé les libéraux dans un communiqué.

La réplique, comme toujours en la matière, ne s’est pas fait attendre. “Le blocage des routes – qui est déjà interdit par la loi – n’est pas la cible essentielle pour le MR. Ce que le MR veut casser, c’est la liberté qu’ont les travailleurs d’installer un piquet de grève à l’entrée de l’entreprise”, affirme la CNE jeudi dans un communiqué. La Centrale nationale des employés dénonce les “prétextes” des libéraux “pour tenter de torpiller le droit de grève”.

“Dans les faits, si l’on veut que chaque travailleur puisse exercer son droit de faire grève, le piquet est bien plus indispensable qu’il y a 30 ans”, poursuit le syndicat chrétien en pointant “la précarisation du contrat de travail, de la rémunération et du marché du travail”.

Pour la CNE, une part de la rémunération de nombreux travailleurs est “soumise au bon vouloir de la hiérarchie”

“Dans un marché du travail plombé par le chômage, de plus en plus de travailleurs n’osent plus s’exposer en faisant grève sans en être empêchés”, précise la CNE, qui rappelle qu’une part de la rémunération de nombreux travailleurs est devenue aléatoire “et donc soumise au bon vouloir de la hiérarchie”. Pour ces travailleurs, “participer à une grève sans piquet revient à voir sa rémunération rabotée”.

“Interdire le piquet de grève à l’entrée d’une entreprise revient à faire glisser la responsabilité de la grève du collectif vers chaque individu qui, potentiellement, sera soumis à la vengeance de sa hiérarchie, ce qui affaiblira considérablement le droit de grève dans les faits”, conclut la CNE.

Pour la FEB, “le débat sur le droit de grève a tous les traits d’une grève sauvage”

De l’autre côté du marché de l’emploi, Pieter Timmermans, administrateur délégué de la Fédération des entreprises de Belgique (FEB), a appelé mercredi, dans une tribune publiée sur le site de la FEB, à entamer un débat “approfondi et nuancé” sur le droit de grève, et notamment sur la personnalité juridique des syndicats : “Nous vivons en 2015 et plus au 19e siècle. En 2002, lorsque la FEB s’est dotée de la personnalité juridique, nous avons proposé aux responsables syndicaux de franchir ce pas avec nous. Cela s’est avéré impossible. Depuis, treize années se sont écoulées et la question se pose avec encore plus de force.”

Comme les syndicats peuvent intervenir dans la défense des intérêts de leurs membres, la FEB estime qu’il est “dès lors évident qu’il puisse leur être demandé de rendre compte de leurs actes, comme à tout citoyen, toute organisation et toute entreprise. (…) Celui qui déciderait à titre personnel d’organiser un blocage routier s’exposerait à une amende. Mais pas celui qui est membre d’un syndicat et commet le même acte. Son syndicat non plus. Cela va à l’encontre du sentiment de justice et est indigne d’un état de droit.”

La fédération patronale estime par ailleurs qu’il faudra, à court terme, actualiser le “Gentlemen’s Agreement” de 2012 : “Les syndicats ont tout intérêt à saisir la main que nous tendons et à entamer une concertation à ce sujet, sans quoi c’est au niveau politique qu’il faudra assurer la sécurité juridique”.

Et justement, la CSC, la CGSLB et la FGTB ont demandé à la présidente du Groupe des 10 d’organiser une réunion portant sur l’évaluation de ce même “Gentlemen’s Agreement” de 2002, annoncent les syndicats dans un bref communiqué mercredi : “Nous sommes ouverts à la discussion mais elle doit être menée de manière sereine au sein du Groupe des 10, la matière relevant de l’intérêt des interlocuteurs sociaux”, écrivent-ils.

Les limites du droit de grève ont été fixées dans cet accord conclu entre syndicats et employeurs en 2002. L’idée de l’actualiser a été lancée lundi par Kris Peeters, ministre de l’Emploi.

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