“Onkelinx rate 103 millions d’euros dans les soins de santé”

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Les pharmaciens devront délivrer un des antibiotiques les moins chers à partir du 1er mai. Le PTB pointe les dangers de cette mesure, pour le patient comme pour le pharmacien… et regrette que la ministre de la Santé ne soit pas allée plus loin.

Dès le 1er mai, les pharmaciens seront dans l’obligation de délivrer l’un des antibiotiques ou des antimycosiques les moins chers en cas de traitement aigu, a annoncé l’Institut national d’assurance maladie invalidité (Inami) mardi après-midi à l’occasion d’une conférence de presse. Ces mesures s’inscrivent dans le plan d’économies 2012 de la ministre fédérale de la Santé publique, Laurette Onkelinx.

Depuis le 1er avril, la règle générale de la prescription sous le nom du principe actif (la “dénomination commune internationale”, ou DCI) s’applique. “Le pharmacien peut ainsi délivrer un des médicaments les moins chers dans l’intérêt du patient et de l’assurance-maladie”, appuie Ri De Ridder, directeur général du service soins de santé de l’Inami.

A partir du 1er mai, si une prescription d’antibiotique ou d’antimycosique mentionne une marque, le pharmacien devra malgré tout délivrer un des médicaments les moins chers et ainsi se substituer à la marque, à condition que ce soit dans le cas d’un traitement aigu et non chronique.

Deux exceptions à ce principe : lorsqu’une raison de santé nécessite le respect stricte d’une marque ; si le patient est allergique à l’un des composants du médicament. “Il faut aussi veiller à respecter le choix thérapeutique du médecin”, ajoute Ri De Ridder.

Un autre objectif de cette mesure est de procéder à un alignement des prix des médicaments en jouant sur la concurrence entre marques, indique encore l’Inami.

PTB : le nouveau système recèle des dangers pour les patients, les pharmacienx… et les producteurs

Dirk Van Duppen et Sofie Merckx, spécialistes du PTB en matière de santé, mettent en garde, sur le site Internet du parti de gauche, contre les dangers de cette mesure qui voit une liste, remise à jour chaque mois par l’Inami pour le mois suivant, énumérer les marques les moins chères qui constituent les produits de référence. Mesure censée permettre d’économiser 22 millions d’euros.

Dangers pour le patient. Il existe, selon eux, un risque de “double emploi de médicaments par des patients âgés” : “Si, désormais, on devait mentionner chaque mois une autre marque comme étant la moins chère, cela pourrait mener aisément à une confusion et à un double emploi, surtout chez les patients âgés. On leur fournit une autre marque, une autre boîte et parfois aussi une autre couleur de comprimé de leur médicament. Ils pourraient penser que leur médecin leur a prescrit un médicament nouveau et différent et, de ce fait, par erreur, ils risquent de prendre une double dose. Cela risque d’engendrer des situations dangereuses.”

Problèmes pour les pharmaciens et les producteurs. “Pour les pharmaciens aussi, la prescription DCI automatique, avec sa possibilité de changement de produit de référence chaque mois, signifie un relevé presque impossible de la gestion des stocks et de l’administration. Et, même pour les producteurs de médicaments, cette mesure est inefficace économiquement parlant et comporte beaucoup de risques si les producteurs n’ont pas une certaine garantie de débouchés pour leurs produits.”

Médicaments les moins chers : pourquoi pas un appel d’offres public ?

“Si l’on rend quand même obligatoire la fourniture de la marque la moins chère d’un même médicament, pourquoi ne pas recourir à un appel d’offres public, grâce auquel on organise la concurrence entre les différentes marques de ce même médicament, après quoi l’on ne rembourse que le meilleur et le meilleur marché ?”, s’interroge Dirk Van Duppen.

Le “modèle kiwi” apporte également une réponse au problème du double emploi et de l’incertitude chez les producteurs, selon le Dr Sofie Merckx : ” En obligeant plusieurs marques d’un même médicament à travailler avec un emballage standard identique pour toutes les marques et sur lequel le nom de substance est indiqué en gros caractères et le nom de la marque en petits, les erreurs pouvant mener au double emploi sont exclues. En organisant un appel d’offres public pour un délai d’adjudication d’une ou plusieurs années, les firmes sont également assurées d’un débouché fixe, sûr et important, alors que maintenant, chaque mois, une autre firme peut être la moins chère. Le modèle kiwi les met en mesure de pouvoir proposer des prix bien plus bas.”

Cela a déjà été prouvé aux Pays-Bas, indique encore le PTB, où le système du remboursement préférentiel est en vigueur. “Résultat : des baisses de prix spectaculaires. Par exemple, l’antibiotique ciprofloxacine coûte 0,60 euro l’unité en Belgique. Aux Pays-Bas, c’est 0,07 euro.” Selon Dirk Van Duppen, “aux Pays-Bas, ces économies disparaissent dans les poches des assureurs de soins du privé. Chez nous, les économies de Laurette Onkelinx doivent servir pour pouvoir aider les milliers de patients qui, aujourd’hui, ne peuvent plus se payer de soins médicaux.”

Inhibiteurs de l’acidité gastrique : une économie de 103 millions d’euros qui passe à l’as

“Au départ, la ministre de la Santé voulait également appliquer le système à la classe des très lucratifs inhibiteurs de l’acidité gastrique (IPP ou inhibiteurs de la pompe à protons)” mais, “sous les pressions du lobby pharmaceutique, elle a laissé tomber cette mesure, déplorent encore les deux spécialistes. Pourtant, l’Inami dépense 120.736.000 d’euros pour les IPP. Avec les prix en vigueur aux Pays-Bas, ce serait 17.169.000 d’euros, soit une économie de 103.567.000 d’euros.”

La fédération Pharma.be regrette un “manque de vision à long terme”

Pharma.be, l’association générale de l’industrie pharmaceutique en Belgique, déplore “un manque de vision à long terme” concernant les mesures présentées mardi par l’Inami. “Nous regrettons que le patient et le médecin ne soient pas plus écoutés, déclare Christine Vanormelingen, porte-parole de Pharma.be. Les pharmaciens seront obligés de délivrer l’antibiotique le moins cher et seule une procédure administrative très lourde permettra d’effectuer un autre choix. C’est un système au détriment du patient puisque ces changements vont générer une certaine confusion.”

L’association critique des mesures tournées vers le court terme et dont la priorité est de réaliser des économies “au détriment d’un système de soins de santé qualitatif”. Pharma.be déplore aussi le manque de communication de l’Inami quant à l’application de ces mesures : “La mise en vigueur sera difficile dans ces conditions”, poursuit Christine Vanormelingen.

Cependant, Pharma.be admet que la concurrence induite par ces mesures auront probablement tendance à faire baisser le prix des médicaments, “même si les antibiotiques sont les médicaments dont le prix a le plus diminué ces dernières années”.

Trends.be

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