Nord Stream 2, projet controversé qui divise les Européens et agace Trump

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Donald Trump a de nouveau fustigé mercredi le projet de gazoduc Nord Stream 2, qui vise à doubler les capacités de livraison de gaz russe en Europe par la mer Baltique. Quels sont les enjeux de ce projet, défendu par l’Allemagne mais qui divise les Européens?

Eviter le transit par l’Ukraine

Le gazoduc Nord Stream 2, dont la mise en service est prévue début 2020, a une capacité de 55 milliards de m3 par an, ce qui doit permettre de doubler les capacités du premier Nord Stream, qui transporte du gaz de la côte baltique de la Russie jusqu’à l’Allemagne.

Quatre des cinq pays dont les eaux sont traversées par le projet (Russie, Finlande, Suède, Allemagne) ont donné leur autorisation mais la procédure est toujours en cours au Danemark.

La route baltique permet d’éviter de passer par l’Ukraine, avec qui la Russie entretient des relations conflictuelles.

Au premier trimestre 2018, Nord Stream est devenue la principale voie d’approvisionnement du gaz russe vers l’UE (36% du total, contre 34% par l’Ukraine), selon la Commission européenne.

Répondre à la demande européenne

Pour justifier le doublement de leurs gazoducs, les dirigeants de Nord Stream 2 avancent que dans les 20 prochaines années, l’UE aura besoin d’augmenter ses importations de 120 milliards de m3 pour répondre à une demande en hausse.

Le niveau des futurs besoins européens ne fait pas l’unanimité parmi les analystes, mais il est certain que les importations devront augmenter car la production domestique recule, souligne Thierry Bros, de l’Oxford Institute.

Alors qu’il est difficile d’augmenter les importations de Norvège et d’Afrique du nord, la hausse viendra “du gaz russe et du gaz naturel liquéfié” (GNL), souligne l’expert.

“Le consommateur est gagnant sous réserve que l’on n’ait pas une compagnie avec une part de marché trop importante”, selon lui.

Or en Russie, les exportations de gaz par voie terrestre sont le monopole de Gazprom.

Les importations de gaz dans l’UE viennent principalement de Russie (41% des importations hors UE au premier trimestre 2018), puis de Norvège (35%) d’Afrique du nord (12%) et des importations de GNL (12%).

Le Qatar est le principal fournisseur de GNL à l’UE. Au premier trimestre, la part du GNL américain est tombé à 1% des importations de GNL, contre 6% à la même période un an plus tôt.

Des Européens divisés

A la tête de l’UE, la Commission reste très prudente sur le projet. Sans pouvoir s’y opposer, elle veut s’assurer qu’il est bien en ligne avec les règles du marché européen de l’énergie, en matière de concurrence notamment.

La Pologne et les pays de l’Est sont les plus vocaux dans leur opposition.

L’Allemagne en est le principal défenseur, ce qui lui a valu d’être la cible d’une nouvelle attaque virulente du président américain à l’occasion d’un sommet de l’Otan mercredi.

“Les Etats-Unis ont toujours été opposés à ce projet, pointant une contradiction fondamentale de la politique allemande”, note l’analyste Marco Giuli, du think tank European Policy Centre (EPC).

“D’un côté le pays est un partenaire engagé de l’Otan en faveur du régime de sanctions (contre la Russie). Dans le même temps, l’Allemagne n’arrive pas à reconnaître la dimension politique de Nord Stream 2 et semble assez indifférente à fournir à la Russie un levier politique supplémentaire”, explique-t-il.

Intérêt américain

Les Etats-Unis, grand producteur de gaz naturel, se sont récemment lancés dans une offensive commerciale à la recherche de nouveaux débouchés, soutenue par Donald Trump.

Les défenseurs de Nord Stream 2 ont avancé à plusieurs reprises l’argument de la stratégie commerciale, relève Marco Giuli: dans la législation américaine sur les sanctions contre la Russie, les Etats-Unis font le lien avec l’opportunité de compenser les pertes d’approvisionnement par leurs propres exportations énergétiques.

Mais jusqu’à présent, les exportations américaines se sont surtout dirigées vers les marchés sud-américains et asiatiques où les prix sont plus élevés, observe Marco Giuli.

“Plus la demande chinoise grimpe, plus il y a un intérêt commercial à transporter le gaz en Asie plutôt qu’en Europe, où la Russie a une certaine capacité à dissuader la concurrence en pratiquant un dumping des prix et en augmentant ses capacités pour inonder le marché”, explique l’analyste.

Selon lui, la Russie aurait moins “d’agilité commerciale” sans Nord Stream 2, mais “cela ne veut pas dire que la Russie ne serait pas capable de surpasser la concurrence en matière de prix avec l’infrastructure actuelle”.

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