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Mais finalement, qui a créé ces fameux 59.000 emplois ?

Majorité et opposition au fédéral se disputent depuis des jours, non pas sur le nombre d’emplois créés (59.000) mais bien sur les causes de ces créations. Pour le gouvernement, c’est grâce au tax shift, tandis que l’opposition s’insurge et explique que la hausse de l’emploi est inférieure à la moyenne européenne. Les deux affirmations sont en fait fausses.

L’humoriste John Oliver a décidé d’éduquer le président américain Donald Trump. Il va acheter des espaces publicitaires sur les chaînes câblées que regarde le président (Fox News, MSNBC, etc.) et ces spots traiteront de sujets multiples et variés : ” Tous les Afro-Américains ne vivent pas dans les quartiers pauvres et tous les habitants des quartiers pauvres ne sont pas afro-américains ” ou ” le Gabon est un pays situé en Afrique, sur la côte Ouest “.

Ah, si John Oliver pouvait étendre son entreprise pédagogique chez nous ! Il pourrait expliquer qu’exercer un mandat d’administrateur dans une intercommunale n’a pas la même signification que toucher au Lotto. Ou que créer des emplois est un peu plus compliqué que jouer à Clash of Clans.

Les mesures les plus efficaces pour créer de l’emploi sont les plus ardues et les plus ingrates… Et dépassent les pauvres slogans électoraux.

Depuis des jours en effet, gouvernement et opposition se querellent sur les créations d’emplois réalisées l’an dernier. Non sur le nombre (59.000). Mais sur la cause. Pour le gouvernement, c’est clair, c’est le fruit des mesures prises (tax shift, baisse des cotisations patronales, etc.). Pour l’opposition socialiste, c’est clair, ce gouvernement n’a jamais été autant l’ennemi des travailleurs et d’ailleurs cette hausse de 2 % de l’emploi est plus faible en moyenne que celle (2,4%) enregistrée dans la zone euro en moyenne.

Désolé, mais ces deux affirmations sont fausses. Si la croissance de l’emploi est plus faible que la moyenne européenne (comme notre croissance économique d’ailleurs), c’est en grande partie parce que notre pays a mieux résisté à la crise, et qu’un certain nombre (Espagne, Irlande, Pays-Bas notamment) connaissent un effet de rattrapage. Quant aux 59.000 emplois créés, ils sont bien davantage le fruit de la croissance mondiale et de la baisse de l’euro (qui a relancé la compétitivité des entreprises européennes) que le résultat du tax shift : ” La Belgique a profité d’une meilleure conjoncture, comme les autres pays européens, estime Paul De Grauwe, professeur à la London School of Economics. Attribuer l’amélioration du marché du travail aux gouvernements me paraît un peu surréaliste “.

Cela ne signifie pas que les mesures du gouvernement soient sans effets. Mais elles ne constituent tout simplement pas le facteur déterminant. D’ailleurs, leurs effets sont très difficiles à distinguer.

” Tenter d’expliquer à court terme l’impact d’une mesure sur le marché de l’emploi relève souvent de la fantaisie “, notait ainsi voici quelques mois Thomas Dermine, économiste, créateur de start-up et copilote de la task force de reconversion de Charleroi. Pour trois raisons, ajoutait-il. D’abord parce qu’il faudrait pouvoir déterminer quelle aurait été l’évolution de l’emploi si le gouvernement n’avait pas mené sa politique. Ensuite parce qu’en Belgique, la politique de l’emploi est régionalisée et que donc des mesures régionales se mélangent à des mesures fédérales. Enfin, parce qu’il faut en plus tenir compte des décisions prises par les gouvernements précédents et qui continuent d’avoir un impact. Allez démêler tout ça !

Une fois encore, cela ne veut pas dire que les politiques sont impuissants. Mais simplement, qu’il convient de regarder leurs résultats sur le long terme. Personne ne niera que les loi Hartz, mises en oeuvre en Allemagne voici plus de 10 ans, ont eu un impact majeur chez notre grand voisin. Avec d’ailleurs des effets variés : si l’Allemagne est en plein emploi et affiche des comptes nationaux bien équilibrés, le taux de pauvreté n’est pas plus bas que chez nous.

Les mesures les plus efficaces pour créer de l’emploi sont les plus ardues et les plus ingrates : c’est mettre patiemment en oeuvre un véritable réseau d’apprentissage dans les entreprises, c’est transformer le système éducatif pour que les jeunes s’intègrent plus facilement dans l’économie de demain et soient capables de développer des projets à haute valeur ajoutée, c’est bâtir une infrastructure digne du 21e siècle…. Mais tout cela prend plus qu’une législature et dépasse les pauvres slogans électoraux.

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