Madrid paralyse financièrement la Catalogne pour bloquer le référendum

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Pour bloquer le référendum d’autodétermination que les séparatistes veulent organiser le 1er octobre en Catalogne, le gouvernement espagnol ferme le robinet financier dont dépend cette région, laissant même planer un doute sur le paiement de ses fonctionnaires.

“C’est d’une irresponsabilité totale. Ils nous conduisent à un effondrement administratif”, s’est insurgé lundi le vice-président du gouvernement catalan Oriol Junqueras, parlant d’une mesure “sans précédent”.

L’exécutif catalan a déposé un recours devant la Cour Suprême pour contester la décision annoncée vendredi par le gouvernement espagnol : la mise en place d'”un nouveau système de contrôle des dépenses” de la Catalogne en vue d’éviter qu’elles ne servent à financer des “activités illégales” comme le référendum, interdit.

Mais ce type de recours “n’est jamais suspensif”, les mesures prises par le gouvernement sont donc désormais “en vigueur”, a précisé une porte-parole de la Cour Suprême.

“C’est une suspension de facto de l’autonomie financière de la Catalogne”, analyse Alain Cuenca, spécialiste du financement des régions à l’université de Saragosse, favorable à l’unité de l’Espagne.

Dans ce pays, l’Etat lève lui-même la majeure partie des impôts (sauf au Pays Basque et en Navarre, autonomes sur ce point), puis les répartit entre les différentes régions, qui paient ensuite les fonctionnaires, les services sociaux, éducatifs, etc.

Désormais, Madrid refusera de verser l’argent sur le compte du gouvernement catalan, mais paiera directement les factures des services “essentiels” (hôpitaux, écoles, police, etc.), soit environ 1,5 milliard d’euros par mois. “Cela veut dire qu’à partir de maintenant, (les dirigeants catalans) ne disposent plus de leur argent (…) Ils doivent effectuer une clôture de trésorerie et n’ont plus le droit d’engager aucune dépense supplémentaire” par rapport à celles déjà prévues, explique une porte-parole du ministère du Budget.

“Si cela signifie moins d’autonomie ? Bien sûr ! Mais la gravité de la mesure va de pair avec la gravité des faits”, analyse Francisco de la Torre, inspecteur des impôts et député du parti de centre droit Ciudadanos, allié du gouvernement conservateur de Mariano Rajoy.

Car Madrid a annoncé cette mesure-choc après que les séparatistes ont fait savoir au gouvernement qu’ils ne se soumettraient plus au contrôle hebdomadaire des dépenses qui leur était imposé depuis juillet, afin d’éviter qu’ils n’utilisent l’argent pour acheter des urnes, par exemple.

Pour le dirigeant séparatiste Oriol Junqueras, ce gel des comptes est une manière déguisée de retirer son autonomie à la Catalogne, une mesure qui ne peut en principe être décidée qu’après un débat et un vote à la majorité absolue au Sénat.

“Cela implique de ne pas pouvoir consacrer un euro à des dépenses dans les secteurs de l’industrie, du commerce, de l’agriculture, de l’élevage, de la culture, de la recherche, des sports, la jeunesse, les minima sociaux, le logement”, considérés comme non essentiels, a-t-il accusé.

Pour Madrid, verser les salaires des 170.000 fonctionnaires du gouvernement catalan ne sera pas une mince affaire. L’Etat a besoin du registre complet de ces employés, y compris des nombreux intérimaires, de leurs jours d’arrêt maladie, de leurs coordonnées bancaires, etc.

Les autorités catalanes avaient jusqu’à mardi pour transmettre ces informations à Madrid. M. Junqueras a éludé la question au cours d’une conférence de presse à la mi-journée, affirmant que “nous agirons avec la normalité habituelle”.

En cas de refus, “on ferme le robinet”, rétorque-t-on au ministère du Budget, car cela signifierait que le gouvernement catalan “ne coopère pas, qu’il ne veut pas que les salaires des fonctionnaires soient payés” par Madrid.

Le risque de retard “nous préoccupe vraiment. Pensez à tous les gens qui doivent rembourser des prêts, les problèmes qu’ils pourraient avoir avec leurs banques”, explique Joan Escanilla, président en Catalogne du CSIF, le principal syndicat de fonctionnaires.

“Nous avons toutes les ressources pour faire face à nos obligations”, a promis M. Junqueras.

Il n’est en effet pas impossible que le gouvernement catalan “ait encore un peu de marge” pour payer les salaires du mois de septembre, estime M. Cuenca. Environ un quart de ses revenus vient directement de certaines taxes, impôts (patrimoine, successions) perçus localement et des frais d’inscription dans les universités.

Pour éviter une utilisation “illégale” de cet argent, Madrid a aussi demandé aux banques de contrôler strictement tous les mouvements des comptes et des cartes bancaires de l’exécutif catalan.

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