‘Macron soutient la technocratie et le monde de la finance’

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Le centriste Emmanuel Macron deviendra probablement le nouveau président français, le 7 mai prochain. La politique économique qu’il mènera dépendra surtout de la majorité à l’Assemblée nationale après les élections parlementaires de juin, affirme Frederik Dhondt, spécialiste de la France.

Nous en avions presque perdu l’habitude, mais les sondages ont parfois raison. Le premier tour des élections à la présidentielle en France a été remporté par le centriste et ancien ministre de l’Economie Emmanuel Macron (23,7%) et la présidente du Front National Marine Le Pen (21,5%). L’un des deux deviendra le huitième président de la Cinquième République le dimanche 7 mai. Selon les sondages, Macron se dirige vers une victoire facile: 62% contre 38% des voix. Le Pen peut toutefois encore considérablement diminuer cet écart au cours des deux prochaines semaines si beaucoup de Français restent chez eux lors du second tour.

Le spécialiste de la France Frederik Dhondt (professeur en droit et histoire à la VUB, l’UAntwerpen et l’UGent) ne pense pourtant pas que la figure de proue du FN franchira le seuil de l’Élysée. “En France, on dit: au premier tour on choisit, au deuxième on élimine. Personne n’éveille autant d’aversion que Marine Le Pen. Mais 60% contre

40% sera toujours un monde de différence avec l’année 2002, lorsque Jacques Chirac avait battu Le Pen père avec 82% contre 18%.”

Trends-Tendances: La droite et la gauche classiques n’atteignent pas le second tour avec François Fillon et Benoît Hamon. Du jamais vu dans la Cinquième République.

Frederik Dhondt: Les candidats des partis traditionnels subissent en effet une sérieuse défaite. Mais on ne peut rien faire d’autre qu’attendre jusqu’aux élections parlementaires en juin pour voir comment le paysage politique se dessinera. À gauche, il y a une grande probabilité de remembrement politique. Le PS n’est apparemment plus considéré comme un parti de gauche. L’ex-Premier ministre Manuel Valls demande une ‘clarification idéologique’. Ce serait quelque chose si l’aile droite du PS glissait vers le centre et que de l’autre côté se constitue un parti très à gauche.

“La droite est dans l’attente de l’attitude à l’égard de Macron dès que celui-ci sera le président. Il est toujours possible que Les Républicains tiennent la route lors des élections parlementaires et qu’il y ait une sorte de cohabitation – dans ce cas un gouvernement de droite avec un président du centre – dans laquelle la majorité des points de droite du programme de Macron seront mis en oeuvre. Chez Les Républicains des sentiments de revanche existeront néanmoins. En fait, certains parmi Les Républicains espèrent cette cohabitation dans laquelle le Premier ministre de droite battra Macron en 2022. Mais les Républicains sont également fort divisés du fait du tournant idéologique de Fillon.

Quel tournant ?

Fillon a attiré des personnes du mouvement très catholique Sens Commun. Celles-ci sont contre l’homosexualité et contre l’avortement. Chez Les Républicains, tout le monde n’en était pas ravi. La question est de savoir quels courants auront l’avantage au sein du centre droit.

Que devons-nous penser du programme économique de Macron ? Son plaidoyer pour une diminution de l’impôt des sociétés et de l’impôt sur la fortune est de droite. Mais en même temps, il n’augmente pas l’âge de la retraite (62 ans) et il veut conserver la semaine de 35 heures, avec d’éventuelles adaptations. Ses économies vont moins loin : de 57% des dépenses publiques vers 53% du PIB.

Son programme a été développé très récemment. Macron soutient la technocratie française et il a, en tant qu’ancien banquier, de bonnes connexions avec le monde financier. Un bon indicateur est le rapport de la commission Attali de 2007-2008, avec 200 mesures pour soutenir la croissance. Ne vous laissez pas aveugler par cette semaine de travail de 35 heures. Dans la plupart des entreprises françaises, on travaille plus de 35 heures. Cette règle est assouplie.

Macron a surtout fait des promesses aux enseignants. Il avait vraiment besoin de cet ancien électorat du PS. Macron est aussi un monstre de Frankenstein des sondages d’opinion. Pour être honnête, on ne sait pas encore ce qu’il va faire.

N’oublions pas: les Français désirent tout de même qu’il n’y ait pas trop de choses qui changent. Même si Fillon était arrivé au pouvoir, il n’aurait alors pas pu exécuter son programme libéral. Il était surtout l’homme de La vieille France avec un plaidoyer pour les normes et valeurs classiques.

Dans quelle mesure Macron sera-t-il, tout comme les présidents précédents, rapidement confronté aux manifestations contre ses projets de réforme ?

Je suis curieux de la manière dont il parviendra à conclure des accords avec les syndicats. En France, on veut mettre fin aux syndicats qui ne sont pas représentatifs, mais qui cherchent continuellement la confrontation. Macron désire se débarrasser de l’héritage de la lutte des classes. Celle-ci est encore fort présente en France avec la CGT, le syndicat communiste.

Lors des dernières élections sociales, la CFDT de centre gauche est devenue le plus important, c’est un peu la CSC française. Un tel syndicat peut être un partenaire pour réaliser des réformes.

En 1995, le Premier ministre Alain Juppé a essayé de balancer certaines réformes à la gorge des Français, comme le démantèlement de régimes de pension spéciaux. Le résultat a été trois semaines de grève et un blocage total. Je pense que Macron optera pour plus de concertation. Il essaiera de briser les anciens monopoles sans trop brusquer. C’est ce qu’il a déjà fait en tant que ministre de l’Economie sous Hollande en limitant le pouvoir des professions protégées.

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