Luc Coene: “Un Grexit peut renforcer la crédibilité de la zone euro à long terme”

Luc Coene, gouverneur de la Banque nationale de Belgique. © Belga

L’image apocalyptique d’une sortie de la Grèce de la zone euro se rapproche. “Je ne pense pas qu’un Grexit provoquera un tremblement de terre comme la chute de Lehman en 2008”, dit Luc Coene, gouverneur honoraire de la Banque Nationale. “Je m’attends à un impact mondial limité.”

La décision du gouvernement Tsipras de ne pas accepter les propositions des créanciers européens et d’organiser à ce sujet un referendum avec une consigne de vote négative, jette la Grèce dans le chaos. Les banques et les bourses resteront fermées pendant une semaine. Les Grecs peuvent retirer maximum 60 euros par jour, mais beaucoup de distributeurs automatiques de billets sont vides. Les aliments de base et l’essence sont thésaurisés.

L’image apocalyptique d’un Grexit se rapproche de plus en plus. Sur l’impact d’une sortie de la Grèce de la zone euro, les opinions divergent largement. C’est ce qui est ressorti ce week-end, pendant la Trends Summer University à Knokke. Lors de cet événement exclusif, l’avenir de la zone euro fut vivement débattu.

Suivre les règles

Selon le gouverneur honoraire de la Banque Nationale Luc Coene, les conséquences économiques sont de toute façon limitées, étant donné que la Grèce ne représente que 2% du produit intérieur brut de la zone euro. “La grande question se situe au niveau de l’impact sur la confiance et le sentiment de marché”, dit-il. “Je ne pense pas qu’un Grexit provoquera un tremblement de terre comme la chute de Lehman en 2008. La crise grecque dure depuis un certain temps, les marchés en tiennent déjà compte. Je m’attends à un impact mondial limité. Ce n’est que pour la Grèce elle-même qu’un Grexit représenterait un réel drame.”

Coene est d’avis qu’un Grexit peut renforcer la crédibilité de la zone euro à long terme: “Les autres pays réaliseront qu’ils doivent suivre les règles et que la discipline budgétaire est une nécessité absolue pour faire partie de l’union monétaire. La sortie de la Grèce pourrait très bien conduire au renforcement de la cohésion interne de l’union.”

Déficit démocratique

Joep Konings, professeur en Economie à la KU Leuven, n’est pas d’accord sur ce point. Il trouve que les risques d’un Grexit sont sous-estimés. “Un grexit comprend beaucoup de risques géopolitiques. Voulons-nous pousser le pays dans les bras de la Russie? Je trouve que nous devons beaucoup plus tenir compte de la stabilité politique dans la région.”

Konings met aussi en garde contre un déficit démocratique en Europe: “Il y a des mouvements en Espagne et au Portugal qui se calquent sur le succès politique de Syriza. Si l’Europe ne réussit pas à maintenir la Grèce à bord, cela peut être le déclenchement d’une désintégration de la zone euro et même de l’Union Européenne.”

D’après Joep Konings, 3 choses sont nécessaires pour une solution durable pour la Grèce: une restructuration de la dette, un plan d’investissement et des réformes structurelles. Le plan d’investissement se trouve sur la table. Le président de la Commission Européenne Jean-Claude Juncker a promis 35 milliards d’investissements, si la Grèce s’engage à réformer son économie et son appareil d’état de manière structurelle. Et c’est là où le bât blesse. Personne ne croit encore que la Grèce est prête à cela. La restructuration de la dette précédente en 2012 a porté peu de fruits.

Mauvais signal

“Une union monétaire exige une certaine convergence budgétaire et économique”, dit Luc Coene. “Certains pays ne l’ont pas respectée dans le passé. Depuis 2010, des programmes d’adaptation sont de vigueur en Irlande, en Espagne, au Portugal et en Grèce. Dans la plupart des pays, ils sont exécutés correctement et ils commencent à porter des fruits. C’est uniquement en Grèce que cela continue à tourner mal. Ce gouvernement et le précédent ont renoncé aux réformes, les ont revues à la baisse ou ne les ont pas mises en oeuvre. Les Grecs font partie d’un club, mais ils ne sont pas prêts à suivre les règles de ce club. Si cette attitude ne change pas, un Grexit devient inévitable.”

Peter De Keyzer, économe en chef chez BNP Paribas Fortis, trouve qu’il existe une responsabilité partagée: “Le problème de l’Europe est que les règles ne sont pas appliquées. Rappelez-vous comment l’Allemagne et la France ont pu, sans faire de bruit, enfreindre le pacte de croissance et de stabilité. Vous créez ainsi un environnement dans lequel les états ignorent les règles en douce. Si l’Europe fait maintenant à nouveau la même chose et déclare les Grecs quittes de leurs dettes sans qu’ils aient à réformer leur économie, cela donne un très mauvais signal.”

Michel Delbaere, dirigeant d’entreprise et président du Voka, fait observer que le tissu industriel en Grèce n’est tout simplement pas assez fort: “C’est la grande différence entre la Grèce et des pays comme l’Espagne et le Portugal. Il y a moyen de faire de gros efforts en Grèce pour obtenir une relance de l’économie. Mais si la base n’est pas là, ces efforts risquent de rester sans résultat.”

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