Les vrais problèmes de la Grèce (et comment les résoudre)

Un homme marche dans les rues d'Athènes. © Reuters

L’UE et le FMI se chamaillent à propos de l’allègement de la dette grecque, mais le réel problème réside dans l’économie de la Grèce. Le pays ne sera pas sauvé par le tourisme uniquement. Il a surtout besoin d’une industrie exportatrice forte, mais celle-ci n’a jamais paru aussi inaccessible.

Quand on gagne peu et que l’on veut tout de même maintenir son train de vie et sa consommation, il est nécessaire d’emprunter de l’argent; ce qui entraîne des déficits et les dettes s’accumulent. C’est le problème de la Grèce. Le pays doit se défaire de sa dépendance à l’endettement, et cela ne peut se faire que si l’économie gagne en puissance.

L’économie grecque continue de s’affaiblir

Mais après cinq années de crise, l’économie n’a fait que perdre de la force. Selon la Commission Européenne, elle se comprimera encore de 2 à 4% cette année. Cela signifie que le pays est toujours dépendant de l’argent des autres pour maintenir son ménage à flot. Les créanciers offrent maintenant à la Grèce un nouveau plan d’aide, le troisième en cinq ans.

Productivité faible et balance commerciale déficitaire

La liste des conditions des créanciers du nouveau plan de sauvetage qui vient d’être adopté comprend quelques points tout à fait raisonnables, comme un système des pensions plus vivable ou la fin des nominations politiques à la tête des banques. Mais cela n’amènera en soi aucun argent dans les caisses. Le problème grec est un problème de faible productivité, ce qui a un effet sur les salaires, de telle sorte que l’économie a une capacité exportatrice autonome insuffisante pour gagner de l’argent. En 2008, à l’avant-veille de l’éclatement de la crise grecque, le déficit de la balance commerciale représentait un peu moins de 13% du produit intérieur brut.

L’huile raffinée, plus grand produit d’exportation, a peu de valeur ajoutée

À peu près tout ce dont le pays a besoin doit être importé. Non seulement les machines, le carburant et les médicaments, mais aussi les appareils ménagers et les produits textiles. Même pour les produits agricoles, la délicieuse feta et les olives, le pays enregistre hélas un déficit commercial. Le produit d’exportation le plus important de la Grèce est l’huile, mais les raffineries grecques doivent d’abord importer l’huile brute, sur laquelle elles facturent ensuite une marge de raffinage, mais cela ne rapporte pas énormément de valeur ajoutée à l’économie du pays.

Les armateurs grecs profitent d’avantages fiscaux et mettent peu de Grecs au travail

La même chose vaut pour le transport maritime, un secteur pour lequel le pays est pourtant réputé. Les armateurs grecs profitent d’avantages fiscaux et mettent peu de Grecs au travail. Les équipages de leurs navires proviennent souvent de pays à bas salaires. Les services connexes, telle l’assurance transport, sont souvent situés à l’étranger, comme à Londres.

Sur le plan de l’industrie pure, les Grecs n’ont également pas énormément d’atouts. En 1980, année de l’entrée de la Grèce au sein de l’Union Européenne, la part de la production industrielle arrivait encore à 17% du PIB. En 2009, cette part avait dégringolé à 10%, et depuis lors elle a poursuivi son érosion.

L’euro bon marché favorise le tourisme grec

Il y a une lueur d’espoir: le tourisme. Malgré la crise, ce secteur a continué à croître au cours des dernières années. La part du tourisme dans le PIB l’an dernier représentait 9,6% selon les estimations du WTTC (World Travel & Tourism Council). Si on y inclut les effets indirects sur les activités connexes comme les locations de voitures, cette part atteint 19,3%. En 2014 déjà, les recettes du tourisme avaient augmenté de 10,2% par rapport à 2013. En 2015, cette tendance positive devrait se poursuivre. Au premier trimestre de 2015, les recettes du secteur touristique ont de fait déjà augmenté de 12,7% par rapport à la même période l’an dernier.

Cela provient surtout de la dépréciation de l’euro. Les touristes issus de la zone euro choisissent de plus en plus souvent une destination dans leur propre zone monétaire, comme la Grèce. Mais les touristes d’autres zones monétaires sont également de plus en plus attirés par la Grèce, grâce à l’euro bon marché. En 2009, 27% des touristes qui choisissaient la Grèce comme destination provenaient de pays hors de l’UE des 28. En 2014, cette proportion a grimpé à 40%.

Mais le Centre d’Etude pour la Politique Européenne (CEPS) relativise ces bons chiffres. Les recettes du secteur du tourisme ont en effet augmenté au cours des dernières années, mais l’augmentation en soi n’était pas tellement impressionnante. Cela provient du fait que les touristes, bien qu’ils soient plus nombreux, dépensent moins en Grèce. Entre 2008 et 2012, le nombre de nuitées a augmenté de moitié, bien plus que chez ses concurrents comme l’Espagne, l’Italie ou le Portugal. Mais les touristes ont dépensé beaucoup moins par nuitée, alors qu’ils ont dépensé tout autant ou même plus dans les pays concurrents. Il reste donc à voir si le tourisme est un moteur économique pour la Grèce.

De la récession vers la croissance

Si les créanciers veulent un jour voir leur argent de retour, l’économie de la Grèce doit à nouveau croître, et un plan d’industrialisation du pays doit venir sur la table. C’est ce que préconisent quelques économistes dans Le Monde Diplomatique de ce mois.

Les investissements doivent de préférence aller vers des activités dans lesquelles les Grecs disposent de knowhow, comme l’agroalimentaire, les cosmétiques naturels et la construction navale. D’après les économistes, ces investissements peuvent générer une spirale positive, créant de nouvelles opportunités de travail et de la croissance, qui provoquera à son tour une augmentation des revenus fiscaux et attirera des capitaux étrangers.

En finir avec le clientélisme

Mais il y a une condition importante: la Grèce doit faire table rase avec le clientélisme écoeurant. Sans le dire textuellement, les économistes visent les oligarques grecs et les magnats des affaires ayant des liens corrompus avec le monde politique et les tribunaux, qui maintiennent sur l’économie du pays une mainmise paralysante.

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