Les stocks de poudre de lait? “Une épée de Damoclès au-dessus de nos têtes”

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Les stocks de poudre de lait accumulés ces dernières années dans le cadre du système européen d’intervention représentent “une épée de Damoclès au-dessus de la tête des producteurs laitiers européens”, a mis en garde mercredi l’organisation de producteurs European Milk Board (EMB) au cours d’une visite d’un entrepôt de stockage de lait en poudre à Herstal.

Le système de l’intervention permet à des Etats-membres de l’UE d’acheter du lait lorsque le prix de celui-ci descend sous un certain niveau. Le lait en poudre est alors stocké un certain temps pour être revendu, sur décision de la Commission européenne, lorsque le marché s’est redressé.

La crise aidant, les stocks de poudre de lait écrémé accumulés depuis 2015 atteignaient en novembre dernier 378.578 tonnes pour l’ensemble de l’Union européenne, dont 66.235 tonnes rien qu’en Belgique et 38.277 tonnes en Wallonie. A lui seul, le hangar visité mercredi par l’EMB, en compagnie d’une poignée de parlementaires européens, renferme plus de 12.500 tonnes de poudre de lait écrémé, soit un tiers du stock wallon.

Malgré 16 adjudications depuis décembre 2016, à peine 2.084 tonnes ont pu être remises sur le marché, dont 1.864 tonnes lors de la seule semaine dernière, selon des chiffres de la Commission européenne.

Cette montagne de poudre de lait inquiète les producteurs laitiers, qui ont bénéficié d’un répit en 2017 avec des prix moyens de l’ordre de 35 centimes le litre mais craignent une nouvelle chute des prix. “Nous venons de perdre 5 cents ce mois de janvier et nous avons peur pour l’année 2018. Et que va-t-on faire de toute cette poudre de lait? C’est le résultat de la libéralisation des marchés”, déplore Erwin Schöpges, éleveur et membre du conseil d’administration de l’EMB.

“Le niveau des stocks accumulés est incroyable. Ils inonderaient le marché. Il est nécessaire de prendre des mesures pour éviter cela”, abonde Romuald Schaber, président de l’EMB, plaidant pour que les volumes de lait accumulés ne soient pas bradés.

Devant des murs de sacs de lait en poudre, les responsables de l’EMB égrènent leurs revendications: ne pas remettre sur le marché les stocks actuels, car cela ferait baisser davantage encore les prix du lait, ni les exporter en faisant du dumping dont sont déjà victimes certains éleveurs d’Afrique de l’Ouest.

L’EMB, qui a élaboré un “programme de responsabilisation face au marché” comprenant diverses mesures en cas de crise laitière, réclame également un plafonnement de la production laitière européenne au niveau de 2017 et un relèvement du prix d’intervention (actuellement à près de 1.700 euros la tonne).

Les producteurs laitiers soulignent au passage les coûts qu’entraîne un système qui, à leurs yeux, marche sur la tête. “Les frais de stockage se sont élevés à 10 millions d’euros en Europe pour l’année 2017”, illustre Erwin Schöpges. “Et le dernier lot de poudre de lait mis sur le marché par l’Union européenne a été vendu à perte. Comment est-ce possible pour un bon père de famille d’agir de la sorte? On voit comment l’Europe, le président de la Commission Jean-Claude Juncker, le commissaire Phil Hogan (en charge de l’Agriculture, NDLR), avec l’accord des Etats-membres, gèrent les crises avec l’argent public…”, poursuit le producteur laitier.

Pour la seule Wallonie, le coût de l’entreposage du lait en poudre s’élève à 360.000 euros par an, dont une partie importante est prise en charge par la Commission européenne. Outre Herstal, six autres lieux de stockage de poudre de lait existent en Wallonie.

Les trois Etats de l’UE dont les stocks de lait écrémé en poudre sont les plus importants étaient, fin 2017, la France (71.740 tonnes), la Belgique (66.235 tonnes) et l’Allemagne (65.571 tonnes). A eux seuls, ces trois pays représentent plus de la moitié du stock européen constitué dans le cadre du programme d’intervention publique.

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