Les rulings impliquant le Luxembourg échauffent les esprits à la Chambre

Véronique Tai, présidente du collège du SDA. © DR

Aucune disposition légale n’empêche qu’un accord de “ruling” soit conclu avec l’administration fiscale si une partie de l’opération implique le Grand Duché de Luxembourg, a affirmé mardi la présidente du collège du Service des Décisions Anticipées (SDA) du SPF Finances, Véronique Tai, en commission des Finances de la Chambre.

Les révélations du “Luxleaks” ont mis en lumière les pratiques fiscales des autorités grand-ducales et suscité un tollé européen. Dans les rangs politiques, des voix se sont élevées pour s’étonner que le SDA belge conclue des conventions de ruling, c’est-à-dire une forme de clarification légale anticipée d’opérations fiscales, avec des sociétés pour des opérations qui impliquent le Luxembourg.

Le SDA se borne à appliquer la loi de 2002 qui instaure la possibilité de conclure des accords de ruling, a fait remarquer sa présidente. Cette loi a visé une liste de pays dont l’implication empêche un tel accord. Il s’agissait d’une liste de “pays refuges” (soit des paradis fiscaux) considérés comme “non coopératifs” par l’OCDE. Le Grand Duché de Luxembourg n’en a jamais fait partie, a souligné Mme Tai.

Par la suite, l’OCDE a entrepris un travail plus large sur l’échange des données fiscales, qui a visé le Luxembourg. Mais cette liste n’est pas mentionnée par la loi de 2002.

“Pourquoi n’a-t-on pas modifié la loi de 2002 pour y intégrer cette nouvelle liste? C’est à vous de me répondre”, a lancé Mme Tai aux députés.

Les socialistes flamands ont contesté cette interprétation. Dans la presse, Dirk Van der Maelen a affirmé que le SDA prenait des décisions illégales. “Etes-vous politiquement couverte par le ministre? ” a demandé le député à la présidente qui lui a fait remarquer le SDA était un service autonome.

Les soupçons du sp.a ont fait bondir le président de la Commission, Eric Van Rompuy (CD&V). “Vous ne pouvez pas dire que le service a agi illégalement. C’est une accusation grave”.

L’autre point de controverse porte sur la publication des décisions du SDA. Celles-ci demeurent toujours anonymes mais des synthèses sont, en principe, publiées individuellement. Il arrive parfois que la décision soit publiée dans un cadre collectif pour garantir la confidentialité de certains dossiers. Entre 2010 et 2014, 195 décisions sur 3.057 n’ont pas fait l’objet d’une publication individuelle. La publicité répond à un objectif d’égalité de traitement des contribuables et non de contrôle, a insisté Mme Tai.

L’opposition ainsi que l’Open Vld ont réclamé une plus grande transparence vu les sommes parfois considérables qui sont en jeu.

“Il y a 195 dossiers sur une période de 4 ans. On ne peut pas avoir aujourd’hui ce genre de petite boîte noire. Cette opacité ne conduira pas à créer un climat d’adhésion fiscale”, a souligné Ahmed Laaouej (PS).

Les rulings fiscaux sont régulièrement perçus comme un outil d’optimisation fiscale des multinationales au détriment des pouvoirs publics. “Je regrette que le SDA ne participe pas du rôle global de l’Etat de bonne perception de l’impôt mais apparaisse comme l’allié de celui qui veut éviter de payer l’impôt”, a dit Georges Gilkinet (Ecolo).

“Ce système introduit une discrimination dans la fiscalité entre les multinationales qui reçoivent du sur-mesure et le prêt-à-taxer pour les simples contribuables”, a renchéri Marco Van Hees (PTB).

Dans les rangs libéraux, l’opinion était différente. “Je fais partie de ceux qui pensent que la sécurité juridique est importante”, a déclaré Sophie Wilmès (MR).

“Le ruling et les intérêt notionnels ont été les moteurs principaux de notre développement économique. Le ruling a joué un rôle fondamental dans le maintien de centres de décision en Belgique”, a affimé Luk Van Biesen (Open Vld).

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