“Les politiques sont victimes du chantage des banques !”

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En cinq idées, Eric De Keuleneer, professeur à la Solvay Business School (ULB), administrateur délégué de Credibe et membre du conseil de surveillance de la CBFA, démonte la crise actuelle des marchés obligataires et de l’euro.

1. Perversité des mécanismes

“Les banques d’affaires sont à l’affût pour gagner de l’argent, car le nombre de transactions a diminué. Il est tentant pour elles de spéculer sur les dettes souveraines. Cela montre la perversité des mécanismes actuels : les trading desks des banques continuent à spéculer, alors que les Etats ont aidé, et parfois sauvé, ces banques. Et des bonus énormes sont toujours versés aux artistes de ce genre de sport.”

2. Le chantage grec des banques

“Les banques qui, sans savoir ce qu’elles faisaient, ont acheté de la dette grecque ont soutenu – ce qui est faux – qu’une restructuration de la dette grecque entraînerait la fin de l’euro. La Grèce devra, je pense, restructurer sa dette, et, vous verrez, le coût sera largement supporté par les contribuables européens, pas par les banques créancières.”

3. Une deuxième crise bancaire ? Un épouvantail !

“On dit que les banques feront faillite en cas de souci avec la dette d’un pays. Des montants sont lancés : des centaines de milliards. Mais non ! La dette de la Grèce, par exemple, ne doit pas être annulée mais réaménagée, et les taux d’intérêt abaissés. Les remboursements se feront plus tard. On a déjà connu cela.”

4. Incompétence des agences de notation

“Cela a du sens de calculer une notation pour une entreprise. Pour un Etat, c’est quasiment impossible. Afin de diminuer l’influence des notations, il faudrait par exemple que la Banque centrale européenne n’en tienne plus compte : cela inciterait d’autres à s’en détacher. Que font les agences pour modifier la note d’un pays ? Elles suivent l’évolution des contrats d’assurance-crédit, les CDS, c’est tout. Comme les spéculateurs le savent, c’est merveilleux pour eux, ils vendent des obligations à découvert et peuvent alors répandre des rumeurs et faire monter le cours des CDS. Du coup, Moody’s et S&P annoncent des baisses de ratings, ce qui fait baisser le prix des obligations ; les spéculateurs rachètent alors moins cher. Bénéfice garanti !”

5. Les politiciens ne comprennent pas

“Le monde politique est persuadé que les activités de trading sont nécessaires pour servir les clients des banques. C’est faux, c’est de la pure spéculation ! Les politiciens sont victimes du chantage des banques et de leur propre méconnaissance des rouages financiers. Ils confondent sauver les déposants et sauver les banques. Ce n’est pas la même chose. On peut protéger l’un sans subventionner les bénéfices de l’autre. On a eu tort de sauver les banques sans en exiger des réformes de fond, et d’avoir maintenu la capacité à spéculer qui nuit maintenant aux Etats. Les banques continuent à prendre des risques insensés et à financer les spéculateurs en tout genre, hedge funds et autres, qui ne sont cependant qu’un problème secondaire. Le principal problème, ce sont les banques qui financent la spéculation avec l’argent du contribuable et les garanties des Etats.”

Robert van Apeldoorn

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