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Les politiques d’aujourd’hui et la “célébrationnite aiguë”

Que peut faire sur le plan économique un Premier ministre ou un président de la République ? En principe, pas mal de choses, dans la réalité, peu de chose. Étonnant ? Non, pas tellement que cela !

Lisez la presse économique et vous le constaterez de vous-même: quelles sont encore les décisions économiques importantes sur lesquelles un gouvernement a encore une totale liberté de décision ? Sur sa monnaie ? Pas du tout, l’euro est géré indirectement par la Banque centrale européenne à Francfort, et celle-ci est gérée par des technocrates non élus. Le gouvernement peut-il agir sur les taux d’intérêt ? Non, pas plus, car là encore, les taux sont décidés à Francfort et en partie par les marchés financiers. Bref, sur ces points-là, le locataire du 16 rue de la Loi n’a rien à dire, pas plus que son homologue présidentiel à l’Élysée !

Mais il y a le budget et toutes ces décisions de dépenses, ainsi que de hausses ou de diminutions de taxes, me direz-vous ? Là encore, pas vraiment: les gouvernements de la zone euro n’ont quasi pas de liberté pour gérer leurs budgets, ils doivent respecter des règles imposées par la Commission européenne. Et s’ils dépassent tel ou tel seuil, ils doivent s’en expliquer publiquement et s’engager à revenir dans les clous dans un délai assez bref.

Alors, que leur reste-t-il ? Jacques Attali pense que ce qui leur reste, c’est la “célébrationnite aiguë” et j’ajouterai, la communication. La communication, c’est simple: les médias sont aujourd’hui connectés 24h sur 24 et 7 jours sur 7, et comme le disait fort justement Emmanuel Macron, le nouveau ministre français de l’Économie, les médias sont comme le Moloch de la légende, ils ont besoin de leur livre de chair fraîche chaque jour. Résultat: les médias critiquent les hommes politiques pour leurs petites phrases assassines, mais eux-mêmes sont en totale contradiction, car ils relaient plus facilement ce genre de phrases que des discours de fond.

Ayant de moins en moins de prise sur le réel, l’élu d’aujourd’hui en est souvent réduit à montrer son empathie aux gens dans le malheur: c’est la “célébrationnite aiguë” !

Quant à la “célébrationnite aiguë”, il suffit de regarder François Hollande, comme le suggère Jacques Attali. Il passe le plus clair de son temps à s’incliner sur les morts d’attentats, d’accidents ou de meurtres ! Il a même dû accompagner les chefs de gouvernement allemand et espagnol sur le lieu d’un épouvantable accident d’avion dans lequel il n’y a eu aucune victime française ! Mais comme le dit Jacques Attali, commémorer ou rendre hommage est pour un ministre ou un président une activité gratifiante. Personne ne vient pour vous siffler, ni pour manifester un désaccord. En gros, personne ne vous demande de décider, donc de choisir et donc de décevoir. Mieux encore, il y a toujours quelqu’un pour venir vous dire merci. Donc, oui, ayant de moins en moins de prise sur le réel, l’élu d’aujourd’hui en est souvent réduit à montrer son empathie aux gens dans le malheur – c’est cela, en gros, la “célébrationnite aiguë” dénoncée par Jacques Attali. Si les hommes politiques n’ont plus les moyens d’influencer l’avenir, ils peuvent être de plus en plus tentés de se plonger à l’infini dans le passé, dans la nostalgie – que ce soit celle de la Grande Guerre, des éperons d’or ou en juin prochain de la bataille de Waterloo. La pression du court terme, des médias pousse en quelque sorte les politiques à devenir les “gardiens attentionnés des souvenirs”. Dommage, l’idéal serait que le politique se fasse représenter à tous ces événements et se concentre sur son activité principale, mais qui oserait ou voudrait le faire ?

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