Les obstacles légaux sur le sentier de la guerre commerciale de Trump

Le président élu Donald Trump, lors de son "Thank you Tour" en Alabama. © AFP/Jim Watson

Parti en guerre contre les délocalisations, Donald Trump menace de rétorsions commerciales le Mexique, la Chine ou des multinationales, mais il devra emprunter une voie légale étroite pour passer à l’acte, tout en exposant les Etats-Unis à des représailles.

Elu sur la promesse de ramener des emplois aux Etats-Unis, le futur président a encore réitéré sa menace mercredi, assurant qu’il frapperait les entreprises produisant au Mexique d'”une lourde taxe frontalière”. Mais le pourra-t-il vraiment ?

Aux termes de l’article 1er de la Constitution, c’est le Congrès américain qui est en charge de “lever et collecter” les droits de douane et de “régir le commerce avec les nations étrangères”.

La Loi fondamentale confie toutefois au président américain et à son administration la charge de négocier les “traités” internationaux, sous la réserve qu’ils soient approuvés par le Congrès.

Mais, au cours du XXe siècle, le Parlement américain a considérablement étendu le champ d’action du pensionnaire de la Maison Blanche en matière commerciale.

“Les lois américaines donnent aujourd’hui au président un contrôle immense pour restreindre les échanges commerciaux”, explique à l’AFP Gary Hufbauer, ancien responsable des questions commerciales au Trésor américain.

‘Cycle de représailles’

Voté en 1917, le “Trading with the Enemy Act” permet ainsi au pensionnaire de la Maison Blanche de mettre fin aux importations d’un pays “en temps de guerre ou pendant d’autres périodes d’urgence nationale”, un terme suffisamment flou pour permettre des interprétations extensives.

En 1941, le président américain Franklin Roosevelt en avait fait usage pour geler les transactions commerciales avec le Japon, et certains experts assurent que M. Trump pourrait s’en servir aujourd’hui en s’appuyant sur le fait que les Etats-Unis mènent des opérations armées en Irak et en Afghanistan.

D’autres rétorsions seraient plus facilement justifiables. Le “Trade Act” de 1974 permet ainsi à l’exécutif d’imposer des droits de douane contre un pays si ses pratiques sont “déraisonnables”, ou de suspendre un accord commercial si celui-ci fait peser un “fardeau” économique sur les Etats-Unis.

Cible privilégiée de Donald Trump, l’accord Aléna unissant Etats-Unis, Mexique et Canada pourrait être concerné.

Cette même loi permet également à l’administration d’imposer une surcharge de “15%” sur des importations pendant une période maximale de 150 jours, pour permettre aux Etats-Unis de corriger “un déséquilibre de balance de paiement” avec ses partenaires commerciaux.

Le déficit commercial chronique des Etats-Unis avec la Chine pourrait ici fournir un argument rêvé à Donald Trump.

Légalement envisageables, de tels agissements seraient toutefois économiquement et politiquement risqués.

“Cela provoquerait un cycle de représailles que les Etats complèteraient sans aucun doute en engageant des actions devant l’Organisation mondiale du commerce”, assure à l’AFP Clif Burns, avocat spécialiste du commerce au cabinet Bryan Cave de Washington.

Menace ‘exceptionnelle’

Des droits de douanes individuels contre des entreprises, comme ceux dont M. Trump a menacé General Motors ou Toyota, seraient, eux, plus difficiles à justifier légalement.

L’article 14 de la Constitution garantit ainsi une égale protection par la loi, qui serait mise à mal par des sanctions particulières.

Selon Me Burns, M. Trump pourrait toutefois invoquer une loi d’urgence de 1977 qui permet de prendre des mesures temporaires en cas de menace “exceptionnelle” pour l’économie, et sans trop de recours à craindre devant les tribunaux.

“Généralement, si vous essayez de contester une action présidentielle prise en vertu de cette loi, le président répond qu’il s’agit de l’exercice de ses compétences en affaires étrangères et les tribunaux lui donnent raison”, affirme l’avocat.

M. Trump pourrait aussi utiliser une voie plus subtile: imposer des droits de douane non pas sur l’entreprise mais sur les pièces détachées spécifiques qu’elle utilise, notamment dans le secteur automobile.

“Il pourrait désigner des pièces caractéristiques que l’entreprise importe, telles que des châssis d’une certaine taille ou le type de moteurs”, souligne M. Hufbauer, aujourd’hui rattaché au centre de réflexion du Peterson Institute de Washington.

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