Les non-dits du plan de sauvetage de l’Espagne

© Reuters

Si le principe d’une aide de l’Europe est acté, il reste encore des zones d’ombres importantes à éclaircir.Trends.be fait le point sur le plan de sauvetage des banques espagnoles.

Le gouvernement espagnol n’aura finalement pas attendu quinze jours afin de prendre sa décision. Il s’est résolu samedi à demander l’aide de l’Europe pour sauver ses banques. Cette décision a été applaudie par les grands dirigeants. À commencer par le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble ou Christine Lagarde, la patronne du FMI. Le plan de sauvetage de l’Espagne comporte pourtant des zones d’ombres importantes.

Quel est vraiment le besoin de recapitalisation des banques espagnoles ?

Cela peut paraître fou. Mais on ne le sait toujours pas. L’urgence de la situation (les taux d’intérêt à long terme espagnols sont trop élevés et les ménages commencent à retirer leur épargne des banques) a poussé Madrid a négocier avec Bruxelles avant le résultat des audits indépendants, attendus un peu plus tard dans le mois. Le rapport du FMI a chiffré les besoins du secteur à au moins 40 milliards d’euros. De son côté, la zone euro se dit prête à “répondre favorablement à une demande d’aide” de l’Espagne en faveur de son secteur bancaire et à lui prêter jusqu’à 100 milliards d’euros. Mais ces 100 milliards d’euros correspondent à un scénario de tensions extrêmes, notent les experts de Merrill Lynch.

Les vrais besoins du secteur bancaire espagnol sont donc compris entre 40 et 100 milliards d’euros. Une fourchette très large qu’il va falloir affiner pour que le plan soit crédible sans plomber démesurément la capacité de prêt des fonds de secours européens. “Il s’agira en fait d’un des plus grands sauvetages financiers de l’histoire récente”, note cependant le Premier ministre suédois Fredrik Reinfeldt .

La crise bancaire est-elle vraiment le seul problème de l’Espagne ?

“Les décisions prises ce weekend n’ont rien à voir avec un sauvetage”, insiste le ministre de l’Economie Luis de Guindos. Selon lui, l’aide débloquée sera réservée aux “30% des banques qui ont le plus de difficultés”, et identifiées comme telles dans le rapport du Fonds monétaire international (FMI) publié vendredi soir.Cependant, ce n’est un secret pour personne, la crise espagnole dépasse celle du secteur bancaire. Le secteur de l’immobilier, qui tirait jusqu’à présent l’emploi est la croissance en Espagne, ne va pas se remettre du jour au lendemain. Le stock de logements vides est estimé entre 700.000 et 1 million d’unités, soit entre deux et trois ans de transactions au rythme actuel. L’Espagne ne pourra pas non plus compter comme avant sur l’endettement pour financer sa croissance : les ménages, les banques et les marchés sont devenus frileux. Et il y a encore un stock de dettes important à rembourser dans le pays. Du coup, le taux de chômage restera très élevé, plombant la consommation. Sans croissance, l’Espagne aura du mal a respecter ses engagements en matière de finances publiques, même si ces derniers viennent d’être assouplis.En résumé, l’Espagne n’en a pas fini avec la crise.

Quelles seront les conséquences du plan de sauvetage espagnol sur les autres pays en difficulté ?

Le plan de sauvetage de l’Espagne va sans doute faire tache d’huile. L’Irlande demande déjà à se voir accorder rétroactivement le même traitement que l’Espagne, c’est-à-dire un programme d’aide sans contrepartie d’austérité. Dublin veut discuter de cette question à la prochaine réunion des ministres des Finances de la zone euro qui aura lieu le 21 juin à Luxembourg. L’Irlande avait conclu un plan d’aide international avec l’UE et le FMI en novembre 2010, à la suite de l’éclatement de la bulle immobilière de 2008 qui avait dévasté son secteur bancaire. Son déficit public s’était alors envolé à 32% du PIB. Mais à la différence de ce qui s’est passé avec Madrid, l’aide de 85 milliards d’euros de l’Irlande avait été assortie de conditions draconiennes. Le pays s’y est plié, ce qui lui a valu des satisfecit de la part du FMI et de l’UE . Mais il veut désormais desserrer l’étau de la rigueur. Le Portugal, et dans une moindre mesure la Grèce, voudra peut-être négocier pour tenter d’avoir eux aussi le même traitement. Chypre le fera sans doute, avertissent les experts de Berenberg. Son système bancaire est en effet plombé par les difficultés de la Grèce. L’Europe s’embarque donc sans doute dans un nouveau round de négociations. Elle ne peut pourtant pas se permettre de trop relâcher ses objectifs en matière de finances publiques. Car les marchés veillent toujours.

Par Sébastien Julian, L’Expansion

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