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Les jeunes générations vont-elles ‘tuer’ la science économique ?

Le fonctionnement d’une économie n’est pas aussi évident qu’il n’y paraît. Certes, la plupart des concepts sont simples à décrire: il est plus facile de comprendre le chômage, l’inflation ou la dette que le boson de Higgs.

Cependant, les mécanismes qui relient les concepts économiques et qui en déterminent l’évolution sont beaucoup plus complexes et souvent contre-intuitifs. Leur compréhension repose sur les travaux tant fondamentaux (la modélisation) qu’empiriques. Ces travaux ont au fil du temps construit la science économique et la font toujours évoluer. Face à de nouveaux problèmes, de nouvelles solutions sont proposées. Certains résultats passés sont confirmés, d’autres sont remis en cause.

Ce mode d’évolution de la science économique, fondé sur une méthodologie rigoureuse, me paraissait inamovible. L’une ou l’autre discussion houleuse avec des millennials me fait néanmoins douter de cela. Je ne suis pas fan de cette terminologie décrivant les personnes nées entre le milieu des années 1980 et le tournant du siècle. Mais il faut avouer que la cohorte de jeunes gens entre 17 et 30 ans présente des caractéristiques particulières. On les dit très créatifs, très touche à tout, ayant la bougeotte, forcément baignés de médias et de réseaux sociaux. On les dit également fortement marqués par la grave crise de 2008. En bref, les millennials changent les codes dans de nombreux domaines. En serait-il de même concernant l’évolution scientifique ?

YouTube plutôt que l'”American Economic Review” !

Comme tous les jeunes dans l’histoire, ils considèrent bon nombre de théories économiques comme dépassées, si ce n’est tout simplement inopérantes. Ceux qui sont les gardiens de ces théories (principalement le corps scientifique) ont la responsabilité de démontrer qu’elles peuvent évoluer et rester valables. Malheureusement, la démonstration leur semblant trop longue ou elle-même dépassée, les millennials ne trouvent plus utile d’écouter les scientifiques, de faire référence à leurs travaux ou même de les étudier.

Comment les millennials se forgent-ils alors leurs propres convictions ? Pour se fonder une opinion du ” juste ” ou du ” vrai “, ils semblent préférer les réseaux sociaux à la lecture de travaux scientifiques. Ainsi, une théorie a plus de chance de les convaincre si elle bénéficie d’une bonne appréciation sur les réseaux sociaux. C’est ce que l’on pourrait appeler l’effet ” Tripadvisor “. Et si une vidéo est disponible en streaming sur le sujet, cela ne PEUT PAS être faux.

La théorie monétaire est, à ma connaissance, une première victime des nouveaux codes des “millennials”.

La théorie monétaire est, à ma connaissance, une première victime des nouveaux codes des millennials. Oubliez Fischer et Friedman. L’idée selon laquelle la monnaie est une invention des banques, distribuée via les dettes pour augmenter leurs profits, se répand peu à peu dans l’imaginaire collectif au travers des réseaux sociaux et de certaines vidéos pseudo-scientifiques en streaming. On en rigolerait presque si ces mêmes vidéos ne se retrouvaient en référence de travaux d’étudiants…

Panne de connaissances

Un mode de validation des connaissances où tout n’est qu’une question de point de vue, où chaque avis compte, aussi surréaliste soit-il, où l’évaluation par la communauté prime sur la rigueur des faits et des évidences statistiques, porte le risque d’une stagnation des connaissances. Pire, ces dernières risquent de reculer ou de prendre une direction erronée, simplement par la force de ” l’intuition commune ” générée par les réseaux. S’agissant de la compréhension de concepts et de relations économiques, cela n’est pas réjouissant.

Mais dans d’autres domaines, c’est carrément dangereux. J’en veux pour preuve le débat malsain au sujet de la vaccination infantile qui anime les réseaux sociaux, surtout en France et au Royaume-Uni, et dans lequel les considérations scientifiques passent au second plan.

En conclusion, aussi créatives, sensibles et connectées soient-elles, je ne peux m’empêcher de me demander si les nouvelles générations ne risquent pas d’être dotées d’une intelligence de plus en plus superficielle. A l’heure où les machines développent une intelligence artificielle, ce serait un comble…

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