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‘Les investissements saoudiens dans Uber cachent beaucoup de choses’

L’Arabie saoudite a pris une participation de 3,5 milliards de dollars dans le capital de la société Uber. L’information a fait sourire pas mal d’observateurs: l’Arabie saoudite est le seul pays du monde où les femmes n’ont pas le droit de conduire une voiture…

Mais justement, sous ses dehors paradoxaux, il s’agit là d’une information très intéressante à décortiquer. D’abord, elle nous apprend que la société Uber est déjà présente dans cinq villes d’Arabie saoudite et que 80% de ses utilisateurs sont des femmes. En effet, pour quitter leur domicile et se rendre au travail ou chez des amis, les Saoudiennes dépendent des hommes. Que ce soit le père, le mari, le fils, le frère ou d’un chauffeur privé pour les conduire à leur destination. Les taxis traditionnels étant mal vus dans leur culture, l’arrivée d’Uber est donc une aubaine pour les femmes saoudiennes, ne serait-ce parce que cela coûte moins cher qu’un taxi classique.

Evidemment, tout ceci est du pain béni pour le fondateur d’Uber qui nous répète déjà à longueur de journée qu’il est un bienfaiteur de l’humanité, puisque son appli va diminuer les embouteillage et la pollution dans nos villes. Désormais, il peut même ajouter qu’Uber contribue à l’émancipation des Saoudiennes.

En réalité, cet investissement de 3,5 milliards de dollars n’est qu’un début de diversification économique de l’Arabie saoudite. En effet, le vice-prince héritier, 30 ans, est en quelque sorte chargé de projeter son pays dans l’avenir. Il est d’ailleurs venu avec un plan pour faire de son pays le premier investisseur privé au monde. Jeune et pas oisif, comme d’autres princes locaux, il est conscient que son pays n’aura plus aucun rôle à jouer dans 50 ans. D’abord parce que le gaz et pétrole de schiste vont concurrencer l’or noir saoudien et ensuite parce que d’ici un demi-siècle, notamment grâce à la révolution numérique, nous n’aurons plus besoin du pétrole saoudien. C’est donc une course contre la montre qui s’est enclenchée en Arabie saoudite pour rendre le pays indépendant des hydrocarbures. D’où la volonté d’investir dans des tas de sociétés technologiques et de transformer la société saoudienne progressivement.

Avec son futur fonds, l’Arabie saoudite aurait la possibilité d’acheter Apple, Microsoft et Google d’un seul coup…

L’investissement de 3,5 milliards de dollars dans Uber n’est donc qu’un petit exemple de ce qui va arriver au cours des prochaines années. Avec un fonds d’investissement qui regroupera à terme 2.000 milliards de dollars, l’Arabie saoudite aurait la possibilité d’acheter Apple, Microsoft et Google d’un seul coup, si elle le voulait.

Et puis, d’autres observateurs comme Jean-Marc Sylvestre pensent même que ce changement de politique va changer l’organisation interne du pays. Les princes locaux vont être obligés de travailler et de diminuer leur vie de luxure. Et plus important encore, l’Arabie saoudite va diminuer ses dépenses militaires au profit des investissements civils, ce qui veut dire que les mouvements islamistes radicaux ne seront plus, dans une certaine mesure, financés par ce pays, ce dont l’Occident ne se plaindra sûrement pas. Voilà donc tout ce qui cache derrière cet investissement dans Uber.

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