Les Grecs : des fraudeurs, vraiment ?

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La patronne du FMI incite les Grecs à payer leurs impôts. Et oublie au passage que nombre d’entre eux sont imposés à la source et que l’économie grecque a bien d’autres problèmes.

Deux ans après le début de la crise en Grèce, les contribuables du pays sont toujours autant pointés du doigt. En l’espace d’un mois, la driectrice générale du FMI Christine Lagarde a appelé à deux reprises les Grecs à faire plus d’efforts pour payer leurs impôts. De son côté, Antonis Samaras, le dirigeant de la Nouvelle Démocratie, propose de privatiser ou d’externaliser les services fiscaux grecs afin de les rendre plus efficaces et de sortir plus vite le pays de la crise.

Lagarde et Samaras ont-ils raison d’avoir les contribuables grecs dans le collimateur? En partie seulement. Certes, la Grèce a besoin d’une collecte d’impôt plus efficace. Le ratio recettes fiscales sur PIB du pays est l’un des plus faibles d’Europe: à peine 32% contre 45,8% en Suède et 47,6% au Danemark. En Grèce, l’évasion fiscale fait office de sport national. Elle atteindrait 12% à 15% du PIB, selon le directeur de la brigade grecque des contrôles fiscaux Nikos Lekkas, ce qui représente un manque à gagner de 40 à 45 milliards d’euros par an pour l’Etat.

Corruption, privilèges fiscaux injustifiés…les défaillances sont nombreuses. Difficile dans ces conditions d’afficher des levées d’impôts convaincantes. Selon le ministère grec des finances, la collecte pour les quatre premiers mois de l’année a été très mauvaise: il manquerait 495 millions d’euros par rapport aux objectifs. Selon le journal grec Kathimerini, le montant des impôts collectés aurait chuté de 20% sur un an au mois de mai. Signe que les efforts promis par le gouvernement n’ont pas été efficaces ou n’ont pas été mis en place.

Un impôt inégalement réparti

Après les élections du 17 juin, qui doivent décider du sort du pays, la Grèce avouera sans doute que l’hémorragie s’est poursuivie en mai et juin. En effet, les périodes d’élections sont favorables à la fraude fiscale. Selon une étude publiée l’an dernier, l’évasion fiscale a augmenté en Grèce de 0,2% du PIB en moyenne durant les périodes électorales depuis le début des années 1970 !

Mais, même si la situation des finances publiques est mauvaise, Christine Lagarde et d’Antonis Samaras oublient deux choses importantes. Tout d’abord, beaucoup de Grecs paient leurs impôts: environ deux tiers des travailleurs grecs – les fonctionnaires notamment – sont prélevés à la source, selon le journaliste bloggeur Nick Malkoutzis. Et il en va de même pour de nombreux retraités. Il est donc faux de dire que les Grecs ne paient pas d’impôts. Le problème, pour la Grèce, vient plutôt du fait que le système de répartition de l’impôt est très inégalitaire. L’immunité fiscale des armateurs, par exemple, est devenue insupportable pour une bonne partie de la population.

En outre, la Grèce ne sortira pas de l’ornière en collectant plus d’impôts. L’évasion fiscale n’est qu’un des nombreux problèmes de la Grèce, explique Nick Malkoutzis. La productivité du pays est très insuffisante. Les entreprises publiques ne gagnent pas d’argent, ce qui les rend difficiles à vendre. Enfin, la Grèce est incapable d’exporter à grande échelle, ce qui fait qu’elle dépend énormément des importations. Augmenter les recettes fiscales ne résoudra pas ces problèmes. Le débat sur la Grèce continue pourtant de se focaliser – à tort – sur la fraude des contribuables.

Sébastien Julian, L’Expansion.com

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