Les Français sont-ils paresseux ? La réponse est compliquée…

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Les travailleurs français sont-ils vraiment paresseux ? Un patron américain a brutalement posé la question cette semaine en se moquant des “soi-disant ouvriers” qui “ne travaillent que trois heures par jour” dans une usine du nord de la France, s’attirant aussitôt les foudres du gouvernement.

En quête d’un renouveau de la compétitivité du “Made in France”, l’exécutif socialiste a souligné “la qualité et la productivité de la main-d’oeuvre française” pour réfuter les critiques provocatrices du PDG de Titan international, Maurice M. Taylor. Ce faisant, ce patron américain ultra-libéral s’est invité dans un débat politique, économique et sociétal récurrent qui secoue la France depuis la réduction de la durée légale du temps de travail de 39 à 35 heures il y a une douzaine d’années.

“Bosser en France ? C’est l’enfer ! “, affirme à l’AFP l’essayiste française, Corinne Maier, psychothérapeute indépendante installée en Belgique. En 2004, son livre “Bonjour paresse”, qui encourageait les cadres à travailler “le moins possible” dans leur entreprise, avait connu le succès avec 200.000 exemplaires vendus et une traduction dans une trentaine de langues. “La France est le pays développé où les relations de travail sont les plus mauvaises: rapports humains pourris, rapports de force, codes sociaux aussi compliqués à décrypter que des hiéroglyphes, délais de paiement les plus longs d’Europe…”, ajoute l’essayiste.

Au quotidien, la besogne des Français commence souvent tard le matin. Elle se termine aussi souvent tard en soirée sans que cela soit toujours justifié. “Le travail c’est la santé/Ne rien faire, c’est la conserver”: cette chanson de feu Henri Salvador est connue comme un proverbe en France, où la population active (25 millions de personnes) semble hésiter entre les joies du labeur et la douceur de vivre. “Les Français travaillent beaucoup… quand ils travaillent”, ironise un diplomate asiatique en poste à Paris.

Durée de travail faible, productivité haute En 2007, Nicolas Sarkozy s’était fait élire président en promettant de remettre à l’honneur la “valeur travail”, abîmée, selon lui, par les 35 heures mis en place par la gauche.

“On a dit que depuis les 35 heures, les Français ne sont plus attachés au travail. Il n’en est rien”, assurait fin 2012 une sociologue du travail, Dominique Méda. “Parmi les Européens, les Français sont les plus nombreux à dire que le travail est très important. Ils attendent beaucoup de se réaliser par le travail, mais les attentes sont déçues”. Conséquence ou pas de ce constat, les transports en commun à Paris semblent moins fréquentés les lundi et vendredi, lendemain et veille de week-end, que les mardi ou jeudi…

Dans l’usine de pneus Goodyear dénoncée par le patron américain, les “trois heures” sont une vérité mais elles sont la résultante d’une entreprise en cours de fermeture. A sa belle époque, c’était “huit heures de travail avec deux pauses de sept minutes et une pause casse-croûte de 30 minutes. Chronométrées”, a raconté un ouvrier, André, 50 ans, au site Rue89. “Le chef ne rigolait pas du tout” et “subissait la pression de sa hiérarchie” pour “de bons chiffres de production”.

Harcèlement moral, stress, pénibilité: la France a été secouée ces dernières années par plusieurs suicides dans de grandes entreprises. Le chômage touche trois millions de personnes (10% de la population active).

Si la durée moyenne annuelle du travail en France est l’une des plus faibles en Occident – 1.476 heures en 2011 contre 1.787 aux États-Unis -, cette faiblesse est compensée par la productivité: une heure en France produit 45,4 euros de richesse, contre 42,3 euros en Allemagne et 41,5 aux États-Unis.

Pour la directrice de la Chambre de commerce américaine à Paris, Marina Niforos, main-d’oeuvre et ingénieurs français ont du “talent” et de “la compétence”.

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