“Les forces de Bruxelles et de la Wallonie peuvent s’additionner, mais…”

© Image Globe/Dirk Waem

Chercher à se développer ne signifie pas exclure l’autre, insistent les ministres bruxellois et wallon de l’Economie. Après avoir trop joué dans leur coin, les Régions ont commencé à se parler. Et entendent le faire davantage. Interview croisée de Benoît Cerexhe et Jean-Claude Marcourt.

Retrouvez l’interview complète de Benoît Cerexhe et Jean-Claude Marcourt dans le magazine Trends-Tendances daté du 26 janvier 2012.

S’attendait-il à lâcher une bombe ? Peut-être, mais sans doute pas à provoquer une telle déflagration. C’est le moins que l’on puisse écrire : la sortie régionaliste effectuée par le PS Jean-Claude Marcourt, ministre wallon de l’Economie, n’est pas passée inaperçue. Des jours durant, le débat est resté coincé sur le volet institutionnel de l’interview du Liégeois. Alors que ce dernier avait précisé que sa réflexion ne se fondait pas sur un concept institutionnel mais visait plutôt à améliorer le développement économique de la Wallonie. Trends-Tendances l’a pris au mot. Et a invité Benoît Cerexhe (cdH), son homologue bruxellois, à en débattre avec lui.

Trends-Tendances. Avez-vous été surpris par les réactions suscitées par votre sortie ? Et qu’elles se soient essentiellement penchées sur l’institutionnel ?

Jean-Claude Marcourt. Il y a eu beaucoup d’émotionnel dans ce qui aurait dû être un débat rationnel. Nous nous situons à un moment charnière, au coeur de la pire crise économique depuis la Seconde Guerre mondiale, qui a creusé les déficits publics. L’horizon est le suivant : certains souhaitent que les budgets publics dégagent des surplus à l’horizon 2015 ; des transferts de compétences vers les Régions sont annoncés, dont nous ne connaissons ni le timing ni les modalités ; d’ici 10 ans, les mécanismes de financement auront été totalement modifiés. Voici ce que je dis : il faut un projet socioéconomique pour assurer l’avenir de la Wallonie.

Ce constat n’a quand même pas attendu la crise.

J.-C.M. Bien sûr que non, la Wallonie n’a pas attendu. Il y a eu le contrat d’avenir, la commission Zénobe et évidemment le plan Marshall. Face à la crise, je récuse toute attitude anxiogène, du style : “On va tous dans le mur”. Par contre, je dis qu’il faut aller plus vite, que nous n’avons pas 10 ans devant nous. Et comme je suis ministre wallon, je m’occupe de mes compétences. Il faut un projet de société, qui passera également par une reconfiguration de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Mais attention, cela nécessite évidemment une coopération entre Régions. Bruxelles a également besoin d’un projet d’avenir. Après quoi, il convient de voir comment les intégrer. L’articulation entre Bruxelles et la Wallonie fait partie de cette réflexion.

Qu’en pense Bruxelles, justement ?

Benoît Cerexhe. Personnellement, je n’ai pas été étonné par les déclarations de Jean-Claude ; je le connais. Je trouvais simplement qu’après 500 jours de tuyauterie institutionnelle, le moment n’était peut-être pas opportun. Quoi qu’il en soit, Bruxelles a elle aussi élaboré des plans de bataille, comme le contrat pour l’économie et l’emploi et ensuite le “New Deal”. Et, reconnaissons-le, par le passé, ces programmes ont sans doute été conçus avec trop peu de concertation entre les Régions. C’est une sorte de mea culpa. Cela étant, je plaide pour un maximum de synergies entre la Wallonie et Bruxelles.

L’essentiel des services à haute valeur ajoutée de la Fédération Wallonie-Bruxelles se situe dans la capitale. Qu’il s’agisse de cabinets d’avocats d’affaires, de banques d’affaires, ou encore de cabinets de conseils, d’audit ou de recrutement…

B.C. C’est un fait. Bruxelles se tourne de plus en plus vers les services. C’est lié notamment à l’explosion démographique que connaît la capitale : pour un certain type d’économie, il devient de plus en plus difficile de s’installer à Bruxelles. Les secteurs logistiques ou industriels demandent beaucoup d’espace.

J.-C.M. Je suis favorable à une spécialisation de l’économie, même si toute Région doit disposer d’une certaine base industrielle. C’est une évolution tendancielle : la ville doit faire face à de plus en plus de contraintes. En Wallonie, même si le foncier reste évidemment précieux, nous disposons de plus de capacité d’accueil pour des entreprises demandant une grande emprise au sol ou présentant des contraintes environnementales particulières.

B.C. Je suis d’accord sur ce principe. Il faut cependant malgré tout maintenir une certaine mixité d’activité. A Bruxelles, Audi Forest ou la zone portuaire fournissent toujours un accès à des métiers non qualifiés. Nous devons maintenir une activité industrielle dans certaines zones, même si c’est de plus en plus complexe.

J.-C.M. Les forces de Bruxelles et de la Wallonie peuvent s’additionner, mais dans 10 ans, aucune des deux Régions ne fera à l’autre un chèque parce qu’il lui manque 100 millions. Nous devons chacun avoir un projet pour notre Région et voir comment les synergies peuvent entrer dans ces projets. L’articulation entre nos Régions fait partie intégrante de la réflexion, dont l’objectif est d’augmenter la richesse collective.

Propos recueillis par Benoît Mathieu et Frédéric Van Vlodorp

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