“Les fonctions essentielles de l’Etat sont menacées”

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Selon le patron du SPF Economie, l’Etat fédéral est à la corde. Non-remplacement des départs à la retraite, coupes budgétaires, politique aveugle du chiffre, recul du niveau de compétences des fonctionnaires… Jean-Marc Delporte tire la sonnette d’alarme.

Il était loin d’être en terrain conquis. Invité de la Trends Summer University, organisée le week-end dernier à Knokke par Trends-Tendances, Jean-Marc Delporte intervenait dans le cadre du débat consacré au train de vie et à l’efficacité de l’Etat et des entreprises publiques, aux côtés de Jo Libeer (Voka), Gwendoline Rutten (Open VLD) et Herman Daems (BNP Paribas Fortis). A l’heure où des fonctionnaires de tous les niveaux de pouvoir descendent dans la rue pour se plaindre des mesures d’austérité qui commencent à toucher le secteur public, le président du comité de direction du SPF Economie prévient : au fédéral, la situation est tendue. Selon ce haut fonctionnaire expérimenté, tout effort budgétaire supplémentaire forcerait les ministères à abandonner certaines de leurs activités régaliennes.

TRENDS-TENDANCES. En Belgique, les dépenses publiques représentent près de 54 % du PIB. En pleine période de crise, l’Etat ne doit-il pas réduire son train de vie ?

JEAN-MARC DELPORTE. Depuis que je suis top manager (2003), j’ai été élevé dans une logique d’économies. Lorsque Jo Libeer (Ndlr, administrateur délégué du Voka, la fédération des entrepreneurs flamands) affirme que malgré les économies promises, le nombre de fonctionnaires augmente, je réponds que c’est faux pour ce qui concerne l’Etat fédéral. Entre 2002 et 2012, pendant une période sans réforme de l’Etat impliquant des transferts importants de personnel vers d’autres niveaux de pouvoir, le nombre de fonctionnaires fédéraux s’est stabilisé autour de 82.000 unités. Entre 2009 et 2012, le nombre d’équivalents temps plein a diminué de 9,42 % aux Finances, de 10,22 % aux Affaires étrangères et de 10,80 % au SPF Economie. On ne remplace quasiment plus les départs à la retraite.

Les arbitrages budgétaires obligent tous les départements à faire des efforts…

Bien sûr, tout le monde doit faire des économies. Mais au fédéral, on fait tout ce qui est possible. En 2012, nous avons été contraints de diminuer nos frais de 17 %, nos investissements de 20 % et la masse salariale de 2 %. Si on nous impose de nouvelles coupes budgétaires, nous allons toucher aux fonctions essentielles de l’Etat. Dans mon département, nous exerçons des missions d’intérêt public essentielles pour la bonne marche de l’économie, comme par exemple l’inspection économique avec l’exemple récent du contrôle de la viande, la certification en matière économique, la gestion des brevets, l’approvisionnement énergétique du pays… Si nos budgets diminuent, nous devrons un jour faire des choix et peut-être abandonner certaines activités.

Vous fustigez aussi la manie de l’évaluation permanente qui frapperait l’administration. Le management des équipes, ce n’est pas important ?

Je ne suis pas contre l’évaluation, ni même contre la variation de la rémunération en fonction d’objectifs définis. Le problème, c’est que l’on veut tout normer. Sous l’impulsion du secrétaire d’Etat à la Fonction publique Hendrik Bogaert et du gouvernement, les évaluations se sont multipliées. Nous sommes entrés dans une logique de mesures tous azimuts qui ne produisent pas les effets escomptés. Aux Finances, on augmente chaque année de 10 % le nombre de contrôles à réaliser, mais les recettes récupérées n’augmentent pas nécessairement, l’année passée elles ont même diminué. On encourage aussi les fonctionnaires à suivre toute une série de formations, notamment en management, mais on oublie de les former et surtout de les évaluer essentiellement sur la matière qu’ils traitent. Résultat : le niveau général de compétence peut diminuer par découragement.

PROPOS RECUEILLIS PAR GILLES QUOISTIAUX

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