Les Européens pris entre l’enclume américaine et le marteau chinois

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L’UE, sollicitée par Pékin pour avoir son soutien face à Donald Trump, observait vendredi avec prudence s’intensifier le duel commercial sino-américain, inquiète de voir ignorées les règles de l’OMC.

Même si l’UE nourrit les mêmes griefs que les Etats-Unis face aux pratiques chinoises, jugées souvent déloyales, elle se trouve dans une position délicate, car elle est aussi sous la menace américaine de mesures protectionnistes : Donald Trump l’a simplement exemptée jusqu’au 1er mai de taxes sur l’acier et l’aluminium.

Vendredi, l’ambassadeur chinois auprès de l’UE, Zhang Ming, a appelé l’Union à “agir ensemble” avec la Chine contre le protectionnisme américain, alors que Donald Trump a menacé de taxer les importations chinoises à hauteur de 100 milliards de dollars supplémentaires.

Dans une déclaration transmise par mail à l’AFP Zhang Ming a mis en garde contre “le retour de la loi de la jungle” dans le commerce international, ce qui “affecterait les intérêts de tout le monde, ceux des Européens y compris”.

Une offre à laquelle l’exécutif européen n’a pour l’instant pas répondu. Sollicité par l’AFP pour commenter l’appel de Pékin, Daniel Rosario, le porte-parole de la Commissaire européenne aux commerce Cecilia Malmström, a déclaré : “la position de l’UE concernant l’importance de l’OMC, en tant que pierre angulaire d’un système commercial fondé sur des règles, est sans équivoque”.

En clair, les conflits commerciaux doivent être résolus devant l’Organisation Mondiale du Commerce, basée à Genève, dont l’objectif est d’assurer les échanges dans l’intérêt de tous.

“Aucun bénéfice”

“Sur le fond, les Etats-Unis n’ont pas tout à fait tort quand ils s’attaquent aux Chinois”, a observé un diplomate européen à Bruxelles. “Les entreprises européennes ont les mêmes problèmes que leurs consoeurs américaines en Chine, où elles sont par exemple soumises à un transfert forcé de technologie”.

“Mais le problème, c’est la méthode. Les USA +s’assoient+ sur les règles de l’OMC”, a-t-il souligné, regrettant que les Américains ne cherchent pas au contraire à rassembler leur camp pour faire front commun contre Pékin, ce que précisément ils avaient commencé à faire, avec l’UE et le Japon, lors de la dernière réunion de l’OMC en décembre à Buenos Aires.

Une opinion partagée par le directeur d’un “think tank” basé à Bruxelles, le Centre européen pour l’économie politique internationale (ECIPE), Fredrik Erixon : “la confrontation avec la Chine est nécessaire, mais la façon de faire de Trump produit trop de dommages collatéraux. Ce n’est pas la bonne façon d’agir”.

Pour l’UE, la mise en péril du système international est particulièrement dangereuse. Elle est une union de 28 pays avec des intérêts parfois différents, même si la Commission européenne est responsable de la politique commerciale pour leur ensemble.

“Les Européens sont plus vulnérables que les autres, car ils ne sont pas un Etat. C’est plus facile de viser l’un d’entre eux séparément, la France avec les vins et les fromages par exemple, l’Allemagne avec les automobiles”, a constaté Sébastien Jean, directeur du Centre d’études prospectives et d’informations internationales (Cepii).

“Cette guerre commerciale entre la Chine et les USA ne sera d’aucun bénéfice pour les Européens. Elle ne comporte que des risques”, a dit à l’AFP l’eurodéputé allemand social-démocrate Bernd Lange, président de la commission chargée du commerce international au Parlement européen.

Par ricochet, les constructeurs automobiles allemands qui fabriquent leurs voitures aux USA pouraient ne plus les vendre en Chine. Ou encore, les agriculteurs américains cultivant du soja, jusqu’ici acheté par les Chinois, vont tenter de trouver de nouveaux débouchés en Europe, craint M. Lange.

Et les surcapacités chinoises dans la sidérurgie pèseraient davantage sur les prix, ce dont se plaignent déjà les Européens.

Dans cette guerre sino-américaine, “il peut y avoir des effets positifs”, a estimé M. Jean, qui n’exclut pas qu’à la faveur de ces évenements Airbus taille des croupières à Boeing. “Mais ils seraient minoritaires”, a-t-il averti.

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