Les attentats de Paris auront-ils aussi des conséquences économiques ?

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Baisse de fréquentation touristique, consommation qui s’érode, investissements différés… Les attentats de Paris font naître des inquiétudes pour l’économie française, alors que les entreprises et les ménages semblaient avoir repris confiance.

Finie l’atonie économique née de la crise de 2008 : “nous sommes entrés dans une nouvelle phase” de croissance, assurait avant le week-end le ministre des Finances Michel Sapin au vu des chiffres de croissance annoncés vendredi, confirmant une hausse du produit intérieur brut “d’au moins 1,1%” en 2015 et de “1,5%” en 2016.

Un optimisme remis en cause par la série d’attaques meurtrières survenues vendredi soir? “A ce stade, c’est encore difficile à dire”, estime Denis Ferrand, directeur de la conjoncture de l’institut COE-Rexecode. “Tout va dépendre de la réaction collective”.

Après les attentats de janvier, certains chefs d’entreprises s’étaient déjà inquiétés d’un risque de ralentissement. Or le premier trimestre a été marqué par une croissance forte (+0,7%), avec une consommation élevée. “Les phénomènes macroéconomiques l’avaient emporté”, souligne M. Ferrand.

Les comportements, cette fois-ci, pourraient toutefois être différents. Ne serait-ce que parce que les attentats de vendredi – les plus meurtriers jamais menés sur le sol français avec au moins 129 morts – ne sont plus les premiers, et font planer le doute sur la capacité de la France à empêcher de nouvelles attaques.

Attentisme

“On constate depuis samedi un climat de torpeur généralisé. Le risque, c’est que ça génère de l’attentisme, de l’incertitude. Et l’incertitude, ça n’est jamais bon pour l’économie”, affirme Philippe Waechter, directeur de la recherche économique chez Natixis.

Parmi les motifs de préoccupation le tourisme, qui pèse pour près de 8% du PIB en France, avec 83,7 millions de visiteurs étrangers en 2014. “Ce qui nous inquiète, ce sont les clients qui venaient normalement pour les fêtes”, reconnaît Evelyne Maes, présidente de l’UMIH 75, organisation patronale française de l’hôtellerie-restauration.

Pour Agnès Benassy-Queré, de l’Ecole d’économie de Paris, “les attentats auront sans doute un impact sur l’hôtellerie et la restauration”. “Mais Paris, ce n’est pas toute la France. Et je vois mal ces effets se prolonger au-delà de quelques semaines”, nuance la chercheuse.

La consommation des ménages, qui a progressé de 0,3% au troisième trimestre après avoir stagné au deuxième, pourrait-elle aussi se gripper? “C’est peu probable”, estime là encore Agnès Benassy-Queré, qui reconnaît toutefois que ce facteur “dépendra de l’attitude des Français” face aux attentats.

Sursaut

Depuis le 11 septembre 2001, plusieurs chercheurs, dont le prix Nobel d’économie Gary Becker, ont travaillé sur les effets économiques des attentats. En dégageant deux types de scénarios : celui du sursaut national, pour faire barrage à la peur; et celui de la psychose, qui gagne les esprits.

“Aux Etats-Unis, les attentats du 11 septembre ne se sont pas traduits par un repli de l’activité, car les Américains se sont ressoudés”, rappelle Philippe Waechter. “On peut espérer la même chose en France” même si “l’incertitude pousse en général les consommateurs à épargner et non à dépenser”, ajoute l’économiste, qui n’anticipe pas de chute de la consommation pour les fêtes de Noël.

Qu’en sera-t-il des entreprises et de leurs stratégies d’investissements? “Il y a un risque d’attentisme, là aussi, avec des reports d’investissements. Mais c’est plus limité”, estime Denis Ferrand, du COE-Rexecode, qui n’anticipe pas notamment de forte réaction boursière aux attentats à l’ouverture de la bourse de Paris lundi.

“Pour les investisseurs, les inquiétudes sont bien plus liées au ralentissement de l’activité chinoise qu’aux attentats”, poursuit l’économiste. Un avis partagé par Agnès Benassy-Queré, pour qui les attentats ne devraient “pas remettre en cause les tendances macro-économiques” en France.

Reste une incertitude de long terme, liée aux mesures de sécurité qui seront mises en oeuvre dans le pays : “si l’on vit dans une société qui se referme sur elle-même, qui a peur de l’autre, on a forcément un impact”, estime Thierry Mayer, enseignant à l’Institut de sciences politiques, qui évoque notamment “l’attrait sur les jeunes diplômés étrangers”. “C’est difficile à évaluer, mais il faut y réfléchir”.

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