‘Les ambitions et les capacités de l’EI continuent à croître’

© REUTERS/ François Lenoir

L’Europe doit prendre en compte la possibilité que des attaques comme celles de mardi à Bruxelles puissent avoir lieu régulièrement.

Ceci est une traduction d’une contribution de The Economist.

Il était à prévoir que la satisfaction en Belgique suite à la capture de Salah Abdeslam, le logisticien présumé des attentats de Paris, serait passagère. Il était inquiétant qu’il ait fallu autant de temps pour retrouver Abdeslam. Qu’il ait été trouvé dans l’appartement de la mère d’un ami à Molenbeek , la commune bruxelloise qui affiche probablement la plus grande concentration de sympathisants djihadistes d’Europe, témoigne du manque chronique de renseignements de la Sûreté de l’État belge et de la police.

Cependant, la découverte que le réseau de l’EI est à ce point étendu en Belgique et en Europe est probablement la préoccupation la plus importante. Que l’EI soit capable de commettre plusieurs attaques complexes et successives prouve que l’organisation peut faire appel à des centaines d’adeptes, dont certains disposent de l’expertise pour confectionner des bombes et du savoir-faire pour communiquer sans que rien ne filtre.

Combinaison mortelle

Certains diront que le timing des attentats de Bruxelles, commis aussi rapidement après l’arrestation d’Abdeslam, est un hasard. C’est probablement sous-estimer l’ampleur des opérations de l’EI en Belgique. Il se pourrait très bien que l’arrestation d’Abdeslam soit l’amorce pour une autre cellule d’enclencher un plan préparé depuis des semaines ou des mois.

L’espoir demeure que l’arrestation d’Abdeslam, et son extradition presque certaine vers la France, comblera les lacunes d’informations sur les attentats de Paris et de Bruxelles. Cependant, les éléments découverts par les enquêteurs français après avoir interrogé les témoins et l’enquête sur les scènes de crime et les logements des terroristes sont déjà suffisamment préoccupants.

Les services de renseignement sont confrontés à une combinaison mortelle: des milliers de citoyens européens radicalisés via internet et attirés par l’EI à cause de ses succès militaires et de sa propagande. Il y a aussi les combattants endurcis par les combats revenus de Syrie et d’Irak. Ces derniers ont suivi une formation poussée et ont la possibilité de s’infiltrer en Europe au milieu des flux énormes de véritables réfugiés.

Coopération

À présent, l’Europe doit réaliser que l’EI est capable de commettre des attaques dévastatrices à un rythme assez régulier. À l’égard de cette menace, il est cependant loin d’être certain que l’Europe soit capable réagir de la même façon que les Américains après le 11 septembre 2001. Ces derniers ont compris très rapidement que l’incapacité de différentes instances à rassembler et à partager les informations permettait le passage à l’acte. Que les États-Unis aient réussi aussi longtemps à éviter une attaque extérieure sur leur territoire prouve à quel point ils ont bien appris leur leçon. Au Royaume-Uni aussi, les services de sécurité et la police montrent comment gérer le terrorisme.

Il est très difficile de copier cet exemple dans tous les pays de l’Union européenne, même si les frontières ouvertes de la zone Schengen auraient dû inciter à un rassemblement de l’information depuis longtemps. On sait qu’en Belgique, avec sa division politique en deux groupes linguistiques, la coopération entre les différentes instances est déplorable. Europol fait du bon travail en facilitant l’échange et l’analyse d’informations, mais ne dispose pas du pouvoir exécutif pour faire des enquêtes et dispose d’un budget annuel d’environ 100 millions d’euros.

La menace de l’EI oblige les services de renseignements nationaux à coopérer comme jamais, mais il existe de grandes différences de capacité et de systèmes IT. Il faut également se demander si une collecte de données massive à l’américaine est acceptable au niveau de la vie privée et des droits de l’homme. Les Allemands surtout, qui ont vécu sous des dictatures nazie et communiste, sont allergiques à la notion d’État de contrôle.

Il ne fait pas de doute que la nécessité politique de se montrer actif mènera à un certain nombre d’améliorations dans la capacité de l’Europe à déjouer les attentats. Il se pourrait aussi qu’à mesure où l’EI souffre plus de pertes sur les champs de bataille en Irak et en Syrie perde une partie de sa gloire et n’attire plus tous les futurs jihadistes. Pour l’instant, la sécurité européenne comporte toujours des lacunes énormes, alors que tout indique que l’EI affûte tant ses ambitions que ses capacités.

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