Le tortueux chemin vers la taxation des plus-values

© istock

Le gouvernement Michel peine à se dépêtrer du dossier sulfureux de la taxation des revenus du capital. Il confirme un “tax shift” pour les prochaines années. Mais sans jamais oser prononcer le nom des nouveaux impôts qui compenseront en partie la baisse du coût du travail.

L’ancien Premier ministre Yves Leterme était-il en service commandé ou a-t-il renoué avec son passé de politicien gaffeur ? Dans un entretien à L’Echo, il a déploré le fait que le saut d’index ne soit pas contrebalancé par des mesures de taxation du capital, afin d’équilibrer les efforts d’assainissement budgétaire entre les différentes couches de la population. Le CD&V a aussitôt embrayé, réclamant l’imposition des plus-values, le MR a hésité et tout le gouvernement Michel a, une fois de plus, sombré dans la cacophonie.

Comme de coutume, la N-VA a sifflé le rappel à l’ordre : la taxation du capital ne figure pas dans l’accord de gouvernement, passons à autre chose. Mais, cette fois, le coup de sifflet nationaliste n’a pas suffi à clore le débat, car, sur ce sujet, l’accord de gouvernement est bien plus ambigu que ne l’affirmait la N-VA. D’un côté, le texte annonce très clairement un glissement fiscal et parafiscal pour financer des baisses de charges sur le travail mais, de l’autre côté, on a beau lire et relire, il ne dit jamais quelle direction pourrait prendre ce glissement.

Il n’existe pourtant pas 36 options pour réaliser le tax shift : la diminution de la pression sur les revenus du travail implique une compensation, au moins partielle, par une taxation accrue sur la consommation et/ou le capital. En ces domaines, la Belgique reste fiscalement moins gourmande que nombre de pays européens. C’est donc là que l’OCDE et le Conseil supérieur des finances (CSF) recommandent d’agir. “La principale marge de manoeuvre identifiée se situe au niveau des revenus du patrimoine, tant immobilier que financier, écrit le CSF dans un rapport sur le tax shift publié en août. Elle peut permettre de financer une réduction substantielle de la pression fiscale sur le travail.”

Les ministres et les présidents de parti connaissent ces suggestions. Mais, à ce stade, c’est encore comme si l’hypothèse d’augmenter les prélèvements sur les revenus du capital restait un tabou pour les quatre partis de la coalition. Il est vrai qu’il y aurait quelque chose d’assez piquant à les voir adopter ensemble une mesure qu’ils s’échinaient tous à bloquer, hier, sous le gouvernement Di Rupo.

Alors, ils se bornent à confirmer la perspective d’un tax shift lors de la réforme fiscale prévue pour la seconde partie de la législature. Le ministre des Finances Johan Van Overtveldt (N-VA) place même la question dans le cadre plus large de la politique socioéconomique. Si son parti devait lâcher un peu de lest sur la fiscalité des revenus du patrimoine, il tenterait alors, annonce-t-il, d’obtenir des avancées ailleurs, par exemple en matière de limitation dans le temps du droit aux allocations de chômage.

“Une marge de négociation existe”, a assuré le Premier ministre Charles Michel (MR) dans La Libre. Il fixe une double balise à cette négociation : d’une part, l’éventuelle taxation des revenus du capital serait intégralement consacrée au financement de la hausse du pouvoir d’achat et de la compétitivité des entreprises. Il n’y aurait donc pas de hausse globale de la fiscalité, ce que la N-VA traduit par le slogan : “le tax shift ne peut devenir un tax lift”. D’autre part, toute avancée implique un accord global entre les quatre partis de la majorité. Le Premier ministre ajoute encore qu’il ne se laissera pas dicter son agenda en la matière. Il tient à préparer sérieusement sa réforme fiscale, prévue pour la fin de la législature, et n’entend donc pas précipiter le débat sur la seule fiscalité des revenus du patrimoine dans l’espoir d’endiguer la grogne syndicale.

De ces bribes de précision, on peut comprendre que, même s’il n’ose encore le dire, le gouvernement fédéral accentuera bel et bien à terme la taxation des revenus du patrimoine (à ne pas confondre avec la taxation du patrimoine ou impôt sur la fortune, écarté par les quatre partis). “Nous en parlerons mais pas maintenant”, a confirmé dimanche Denis Ducarme, chef de groupe MR à la Chambre.

A quoi cela pourrait-il bien aboutir ? Article complet dans le magazine Trends-Tendances de cette semaine.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content