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“Le scrutin communal a montré une aspiration à un profond renouvellement des moeurs politiques”

Un scrutin local a ceci de merveilleux que chaque parti peut toujours trouver, parmi les 589 communes du pays, l’un ou l’autre exemple attestant que, oui, il a gagné. Nous avons tous pu le constater dimanche soir sur les plateaux télé. De grandes tendances se dégagent toutefois, en particulier une aspiration à un profond renouvellement des moeurs politiques.

Les chiffres sont implacables : même s’ils se gargarisent de leur nombre de bourgmestres et d’échevins, les trois partis historiques (PS, MR et cdH) encaissent un sérieux recul en nombre de voix. Cela ne profite que très peu à l’émergence d’acteurs totalement neufs (Oxygène et autres mouvements ” citoyens “), qui restent calés sur la case départ, mais davantage à deux partis présents depuis plusieurs dizaines d’années dans le paysage politique : Ecolo et le PTB. Comme si les électeurs avaient voulu, peut-être pour la dernière fois, encore faire confiance à des partis installés.

Pourquoi ces deux-là ? Sans doute en raison des urgences climatiques et sociales. Mais aussi parce qu’ils refusent toute forme de cumul de mandats (à vrai dire, le succès du PTB est si récent qu’ils n’ont pas encore eu l’occasion d’éventuellement cumuler) et parce qu’ils limitent strictement les rémunérations de leurs mandataires. L’un des défis pour les écologistes sera de parvenir à conserver cette intransigeance maintenant que leurs succès et leurs participations communales vont leur ouvrir les portes de nombreuses, et juteuses, intercommunales. Ou pour le dire positivement : d’utiliser cette opportunité pour essaimer des comportements plus sains dans ces organismes supra-communaux à la gestion parfois opaque.

L’aspiration à d’autres pratiques politiques s’est manifestée à travers les voix de préférence. La plupart des ” bourgmestres empêchés ” – ces ministres qui ne peuvent légalement exercer leur mandat local – ont reçu de sérieuses claques électorales. Les faisant-fonction, ces hommes et femmes ” de terrain “, ont été au contraire plébiscités. La palme revient ici à Paul-Olivier Delannois (PS) qui dribble deux ministres d’un coup (Rudy Demotte et Marie-Christine Marghem) pour devenir pleinement bourgmestre de Tournai grâce à ses voix de préférence. André Bouchat (cdH) réussit le même exploit à Marche (face à René Collin et Willy Borsus) mais il faut préciser qu’il est déjà bourgmestre depuis… 1986. Pierre-Yves Jeholet, François Bellot (bourgmestre de Rochefort depuis 1995 ! ) et André Antoine sont tous trois devancés par un colistier ; à Auderghem, Didier Gosuin enregistre un recul de plus de 10 % ; et à Mons, Elio Di Rupo a été battu par celui qui fut autrefois son faisant-fonction, Nicolas Martin. Bref, en 2018, avoir un ministre sur sa liste n’est plus vraiment un gage de réussite. Et c’est peut-être un élément important pour l’avenir de la vie politique. Les performances de Carlo Di Antonio (Dour) et Jean-Luc Crucke (Frasnes-lez-Anvaing) rappellent cependant que toute règle souffre quelques exceptions.

Ce dégagisme de l’empêchement s’est surtout manifesté en Wallonie. Peut-être parce que les règles y sont plus claires : l’attribution des sièges et le poste de bourgmestre y dépendent uniquement des voix de préférence, peu importe la place sur la liste. La seule marge de manoeuvre qui subsiste concerne les postes d’échevins et, au tour suivant, les présidences d’intercommunales. La disparition de ce qu’on appelle ” l’effet dévolutif de la case de tête ” a pesé sur les résultats. Les candidats ne l’avaient peut-être pas tous bien appréhendé. Mais dans six ans, ils auront compris, analyse le politologue Jérémy Dodeigne (UNamur), que ” leurs principauc adversaires, au fond, ce sont leurs colistiers “. Ils chercheront alors à s’en distinguer, quitte à radicaliser leur discours. Pour le meilleur et, vraisemblablement, surtout pour le pire.

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