Le Royaume-Uni a-t-il intérêt à claquer la porte de l’Union européenne?

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Dans son dernier discours, le Premier ministre britannique évoque une sortie de l’UE, si celle-ci ne résout pas ses problèmes internes. Mais est-ce bien raisonnable? Trends.be fait le point.

Cela ressemble à un ultimatum. Dans un discours prononcé à Londres aujourd’hui, David Cameron a prévenu les Européens que s’ils ne règlent pas leurs problèmes et s’il n’acceptent pas de revoir le statut du Royaume-Uni, les Britanniques pourrait “dériver” vers la sortie. Le Premier ministre de Sa Majesté donne même un calendrier pour ce départ. S’il est réélu en 2015, il organisera dans les deux ans qui suivront un référendum sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union européenne. “Nous offrirons aux Britanniques un choix très simple: rester au sein de l’UE ou en sortir complètement”, explique David Cameron. En cas de victoire du “non”, le Royaume-Uni pourrait donc entamer des négociations pour une sortie effective avant 2020.

Une telle annonce a évidemment des motivations de politique interne: satisfaire les eurosceptiques du camp conservateur. Elle a aussi pour but de mettre la pression sur les Européens afin d’obtenir le rappatriement à Londres de prérogatives dévolues à Bruxelles, notamment dans le domaine de l’emploi, des réglementations sociales, de la police et de la justice. Mais mettre sur la table la possibilité d’une sortie de l’UE est-il vraiment le meilleur choix pour le Royaume-Uni ? En dépit des apparences, David Cameron est lui-même très sceptique sur les effets positifs d’une sortie. Le Premier ministre avoue d’ailleurs qu’il souhaite maintenir le plus longtemps possible son pays dans l’Union. Les patrons eux aussi se montrent réticents vis à vis d’une sortie. Malheureusement, les économistes ne risquent pas d’éclairer leur lanterne. Les rapports sur le coût du maintien du Royaume-Uni dans l’Union européenne sont contradictoires, sans doute biaisés par des considérations politiques.

Le boulet européen

A première vue, sur un plan strictement budgétaire et comptable,le Royaume-Uni a un intérêt évident à quitter l’Union européenne. Malgré le chèque obtenu par Margaret Thatcher, c’est en effet l’un des plus gros contributeurs net au budget communautaire. Chaque année, le Royaume-Uni fait don de de 8 milliards d’euros à l’Union. Une somme équivalente aux dépenses d’allocations chômage, ou aux dépenses d’entretien et de développement des voies ferrées. Sortir de l’Union permettrait donc au Royaume-Uni de financer de nouvelles dépenses ou de renflouer ses caisses.

La sortie de l’UE permettrait aussi aux entreprises britanniques de ne plus se plier à des règles administratives contraignantes du Vieux continent. Selon le Think Tank eurosceptique Bruges Group, 90% de l’économie britannique n’est pas concernée par les échanges commerciaux avec l’Union. Et pourtant, elle doit supporter ses rigidités. Selon le tabloïd The Sun, les règles européennes – comme celle qui limite la durée hebdomadaire du travail à 48 heures – coûtent près de 9 milliards d’euros par an aux entreprises et aux contribuables britanniques. Elles coûteraient aussi de nombreux emplois : un million de postes, selon le Bruges Group. Mais ce chiffre est à prendre avec des pincettes. The Sun parle de 140.000 emplois créés si le Royaume-Uni échappait à la moitié des réglementations européennes.

Une sortie trop coûteuse?

Compte tenu de ces chiffres brandis par les eurosceptiques, on se demande pourquoi le Royaume-Uni ne fait le grand saut tout de suite. D’autant que la Suisse et la Norvège, qui vivent déjà en dehors de l’Union, se portent plutôt bien. Mais si Cameron tient tant à ce que le Royaume-Uni reste dans l’Union, c’est que la sortie aurait un coût très difficile à chiffrer. La situation de la Suisse et de la Norvège n’est pas si enviable. Même si ces deux pays ont accès au marché unique et échappent aux réglementations sur l’agriculture ou la pêche, ils doivent quand même se plier à certaines règles européennes dans d’autres domaines. Et surtout, étant isolés, il n’ont pas de pouvoir d’influence suffisant pour modifier ces règles. Comme l’explique un ancien diplomate , la Suisse aurait mieux fait d’entrer dans l’Union Européenne tout de suite.

S’il décidait de sortir de l’UE, le Royaume-Uni chercherait sans doute à éviter cela en obtenant un statut spécial, “à la carte”. Mais il se heurterait sans doute au refus de la France et de l’Allemagne.
Sans le soutien de l’Union, il serait également plus difficile au Royaume-Uni de négocier des contrats avec les pays émergents. Dans le pire des cas, le Royaume-Uni pourrait aussi payer des droits de douane pour exporter ses produits sur le Vieux Continent, ce qui saperait sa compétitivité et entraînerait des effets en cascade, comme la délocalisation des entreprises vers l’Europe centrale. Le cheddar, par exemple, pourrait se voir infliger un droit de douane de 167 euros pour 100 kilos, prévient The Economist.

Enfin et surtout, les 8 milliards d’euros que le Royaume-Uni paie chaque année à l’Europe ne sont rien par rapport aux avantages que le Royaume-Uni retire de son appartenance à l’UE. “Les entreprises ne veulent pas que l’on jette le bébé avec l’eau du bain – pas avec 50% de nos exportations en direction de l’Europe”, a mis en garde John Cridland, le directeur général de la confédération patronale CBI, dans ses voeux pour 2013. De fait, près de 9 chefs d’entreprise sur 10 sont favorable au maintien dans l’Union, quitte à obtenir des aménagements, selon un sondage des Chambres de commerce britanniques: 47% soutiennent une relation plus distante avec l’UE mais en préservant l’adhésion du Royaume-Uni, 26% sont pour le statu quo, et 9% demandent plus d’intégration. Seuls 12% sont pour la sortie.

Paradoxalement, le secteur de la finance se montre parmi les plus européens. Il craint en effet que le départ de l’UE ne soit l’occasion pour l’Europe de réduire le poids financier de la City, qui reste la plateforme privilégiée pour les transactions en euros. Le gouverneur de la Banque de France Christian Noyer ne s’en cache pas : la prédominance de Londres en matière financière est une anomalie. En soumettant la question de l’appartenance à l’UE à un référendum, Cameron prendrait donc le risque d’écorner le pouvoir de la City, qui reste le poumon économique du pays. Pas sûr que le jeu en vaille la peine.

Sébastien Julian

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