Le ricochet du péage kilométrique sur la dette wallonne

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Maintenant qu’elle perçoit la redevance kilométrique, la Sofico (Société de financement complémentaire des infrastructures) espère sortir du périmètre de consolidation de la Wallonie. Cela faciliterait grandement ses investissements dans les infrastructures régionales.

Au fil des ans, la Wallonie était passée maître dans l’art de créer des organismes, afin de débudgétiser une série d’investissements. L’Institut des comptes nationaux et Eurostat ont mis de l’ordre là-dedans en 2014, en imposant la consolidation budgétaire de quelque 60 organismes wallons. Conséquence : la dette régionale a été multipliée par trois, dépassant désormais les 18,9 milliards d’euros.

La Sofico (gestion des grandes infrastructures, en particulier les autoroutes) estime aujourd’hui qu’elle pourrait sortir de cette consolidation grâce à la redevance kilométrique des poids lourds. Cette redevance, perçue par l’instance tri-régionale Viapass, atterrit directement dans les caisses de la Sofico, qui la considère dès lors comme une recette propre. Avec un tel apport (229 millions en 2016 et 240 millions projetés en 2017), les ” ventes ” de la Sofico représentent largement plus de la moitié de ses coûts de production et devraient carrément atteindre les 90 % cette année. La société sera donc en mesure de ” rémunérer la Région pour la sous-traitance qu’elle lui a confiée dans les mêmes conditions qu’un sous-traitant privé “, apprend-on dans un courrier adressé par la Sofico à l’Institut des comptes nationaux et que Trends- Tendances a pu consulter. Et de préciser qu’en tant que sous-traitante, elle ” sera soumise à des objectifs de performance et aux sanctions habituelles en cas de défaut “. Dans ces conditions, la Sofico estime pouvoir être considérée comme une entreprise autonome, dont les comptes ne doivent plus être consolidés avec ceux de la Région.

” Si le budget de la Sofico n’est plus consolidé au budget wallon, il ne sera plus contraint par les règles budgétaires qui y sont liées, explique le ministre des Travaux publics, Maxime Prévot (cdH) (ndlr: au moment de la rédaction de l’article, Maxime Prévot était encore ministre des Travaux publics. Il sera remplacé par Carlo Di Antonio dans le gouverment Borsus). Il s’agit des balises d’endettement mais surtout des contraintes annuelles qui sont particulièrement difficiles à suivre quand on souhaite réaliser des programmes d’investissements dans les infrastructures qui sont, par définition, pluriannuels. ” Si l’ICN et Eurostat accèdent à la demande, la Sofico pourra donc intensifier sa politique d’investissement, aujourd’hui bridée par les règles européennes qui empêchent, dit-elle, ” une réelle gestion à long terme des infrastructures et de leur financement “.

Mawime Prévot (ndlr: toujours ministre des Travaux publics lors de la rédaction de cet article):
Mawime Prévot (ndlr: toujours ministre des Travaux publics lors de la rédaction de cet article): “La Sofico a également lancé une prospection de marché visant à lancer un projet multi-énergie qui vise à équiper le domaine routier et fluvial de divers modes de production d’énergie verte.”© BELGA IMAGE

Un rating pour la Sofico ?

L’entreprise publique estime avoir les moyens de ses ambitions puisque, après de nombreuses années de pertes, elle devrait renouer avec les bénéfices au cours de cet exercice 2017, grâce évidemment à la redevance kilométrique. Et il ne s’agit pas des petits bénéfices : 111 millions cette année, 113 l’an prochain et 121 en 2019. Ces bonis pourraient se traduire, souligne Maxime Prévot, par des dividendes pour la Région, actionnaire de la Sofico. Le prochain exécutif aura le choix : mettre les profits en réserve pour financer de futurs investissements ou verser des dividendes pour soulager le budget wallon.

La déconsolidation de la Sofico devrait enfin avoir un effet positif sur la dette wallonne. D’une part, la dette de l’organisme (573 millions au terme du dernier exercice) sortirait du giron de la dette régionale. Mais surtout, la Sofico va solliciter les agences de notation en vue d’obtenir un rating qui se substituerait à la garantie de la Région wallonne, indispensable jusqu’à présent pour obtenir un prêt de la Banque européenne d’investissement. ” On parle potentiellement de 300 millions euros d’abandon de demandes de garanties qui viendra à due concurrence flatter le rating de la Wallonie “, souligne Maxime Prévot.

Si l’affectation d’une recette permet de déconsolider la Sofico, ne serait-il pas judicieux d’affecter d’autres recettes régionales pour déconsolider d’autres organismes publics et faciliter ainsi leur politique d’investissements ? ” Cela peut s’envisager, répond le ministre des Travaux publics. Mais cela doit toutefois se limiter à des structures très ciblées pour éviter d’affaiblir les recettes wallonnes bien nécessaires aux missions régaliennes confiées à la Wallonie. ” Et de préciser que la Sofico bénéficie déjà de diverses recettes propres : concessions des aires autoroutières (22 millions prévus en 2017), exploitation de la fibre optique, passages aux écluses, etc.

Le ricochet du péage kilométrique sur la dette wallonne
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Nouvelles recettes grâce aux éoliennes

La redevance kilométrique demeure cependant de loin sa rentrée principale puisqu’elle représente à elle seule 70 % de ses recettes propres. Les énergies renouvelables devraient apporter des recettes supplémentaires à l’avenir grâce aux concessions accordées aux promoteurs éoliens sur des aires autoroutières. Le projet a été lancé l’an dernier et les premières concessions, portant sur 10 installations réparties sur huit sites (trois en Luxembourg, deux à Liège, une en Brabant wallon, en Hainaut et à Namur) viennent d’être attribuées par la Sofico. Celle-ci a reçu au total des demandes pour l’installation de 137 éoliennes sur 31 aires autoroutières wallonnes.

” En parallèle, la Sofico a également lancé une prospection de marché visant à lancer un projet multi-énergie qui vise à équiper le domaine routier et fluvial de divers modes de production d’énergie verte (biomasse, photovoltaïque, éolienne), ajoute Maxime Prévot. Une trentaine de sociétés ont marqué de l’intérêt pour cet appel à idées. Les diverses réunions qui ont eu lieu entre la Sofico, ses consultants et ces sociétés, vont aboutir au lancement d’un cahier des charges pour un appel à projets dans le second semestre de cette année. ” Ces appels visent à concilier les ambitions de production d’énergie renouvelable et de valorisation économique des terrains disponibles.

Plus de 500 millions d’investissements

Les projets d’investissements actuels de la Sofico s’élèvent à plus de 300 millions d’euros sur le réseau routier et 200 millions sur le réseau fluvial. Ils concernent notamment l’écluse d’Ampsin-Neuville (commune d’Amay), dernier goulet d’étranglement sur l’axe Meuse-canal Albert, la liaison routière rapide Charleroi-Couvin-Charleville-Mézières avec son prolongement vers Reims, l’extension de la E411 et le réaménagement de la nationale 4. Pour les financer, elle a d’ores et déjà sollicité l’appui de la Banque européenne d’investissement.

Si la déconsolidation est confirmée par Eurostat, la Sofico envisagera des investissements complémentaires à ceux déjà programmés. “C’est particulièrement important pour le développement socio-économique de la Wallonie (n’oublions pas que la logistique est l’un des six pôles de compétitivité wallons, Ndlr), souligne Maxime Prévot. Cela procurera aussi du travail au secteur de la construction particulièrement pourvoyeur d’emplois. L’étude réalisée par PWC à l’occasion du lancement du Plan infrastructures 2016-2019 de 640 millions d’euros a démontré que ce plan permet de créer entre 418 et 624 millions d’euros de valeur ajoutée, donc de contribution au PIB wallon, et de créer entre 5.800 et 8.300 emplois locaux, au-delà des emplois sauvegardés.”

L’un des atouts de la Sofico, c’est, disent ses responsables, sa souplesse et la diversité des sources de financement qui permet d’accélérer la réalisation des chantiers. Elle est en outre assujettie à la TVA (ce qui n’est pas le cas de la Région), ce qui permet d’étaler dans le temps le paiement de la TVA.

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