Le renvoi en procès de Christine Lagarde est validé

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La Cour de cassation a validé vendredi le renvoi en procès de la directrice générale du Fonds monétaire international (FMI) Christine Lagarde, qui devra être jugée dans l’affaire de l’arbitrage Tapie pour le délit de négligence ayant permis un détournement de fonds publics.

En 2008, cet arbitrage, une sentence privée, avait alloué 404 millions d’euros à Bernard Tapie pour mettre fin au litige de l’homme d’affaires avec l’ancienne banque publique Crédit lyonnais sur la vente d’Adidas en 1994. La Cour de cassation a rejeté le pourvoi de l’ancienne ministre de l’Economie, qui avait été renvoyée en décembre en procès devant la Cour de justice de la République (CJR), l’instance habilitée pour juger les délits commis par des membres de gouvernement dans l’exercice de leurs fonctions.

Ce que la justice reproche à Christine Lagarde

Les juges qui ont renvoyé Christine Lagarde, directrice général du Fonds monétaire international, en procès, lui reprochent des négligences qui ont permis le détournement de 404 millions d’euros en faveur de Bernard Tapie alors qu’elle était ministre de l’économie.

Les juges de la Cour de cassation, plus haute juridiction pénale française, lui reprochent, d’une part, d’avoir ordonné en 2007 un arbitrage qui a interrompu le cours judiciaire ordinaire, puis de ne pas avoir ordonné de recours contre la sentence rendue un an plus tard en faveur de l’homme d’affaires.

LE RECOURS A L’ARBITRAGE

Lorsque Christine Lagarde succède à Jean-Louis Borloo, en juin 2007, comme ministre de l’Economie de Nicolas Sarkozy, l’idée d’un arbitrage pour régler le vieux litige entre le Crédit lyonnais et Bernard Tapie sur la revente d’Adidas existe déjà. Elle est privilégiée à l’Elysée. Et Christine Lagarde n’est pas intervenue dans le choix des trois arbitres, dont le plus controversé, Pierre Estoup, relèvent les magistrats de la commission d’instruction de la Cour de justice de la République (CJR), dans leur arrêt de renvoi du 17 décembre, dont l’AFP a eu connaissance.

Mais ils soulignent que la décision “n’a été précédée ni d’une expertise juridique sur la possibilité d’arbitrer ni d’une étude approfondie du dossier malgré sa complexité et les conséquences importantes” sur “les finances publiques”. Et quand Christine Lagarde affirme avoir pris connaissance des décisions judiciaires sur le sujet, les magistrats estiment qu’elle a “survolé plutôt qu’étudié le dossier”.

Aux yeux des juges, le recours à l’arbitrage est “d’autant plus étonnant, voire fautif, que les notes de l’Agence des participations de l’Etat (APE) sur le sujet la dissuadaient de choisir cette voie”. La CJR lui fait aussi grief de ne pas avoir exigé “un encadrement plus strict” de l’arbitrage, principalement sur le plafond des sommes pouvant être allouées à Bernard Tapie. Ce qui “relève, à tout le moins, d’une légèreté peu admissible”, selon eux. Ils s’étonnent aussi de la nomination par la ministre en septembre 2007 d’un nouveau président de l’EPFR, l’établissement gérant l’héritage de la banque publique, Bernard Scemama, d’emblée favorable à l’arbitrage.

Les instructions écrites de la ministre: la première, du 10 octobre 2007, conditionne l’arbitrage au paiement par le Crédit lyonnais d’une contribution de 12 millions d’euros en cas de condamnation. La seconde, du 23 octobre, rend cette condition moins stricte. “L’abandon” de cet engagement “constitue une faute caractérisant, à tout le moins, une négligence d’une particulière gravité”, selon les magistrats de la CJR.

PAS DE RECOURS CONTRE L’ARBITRAGE

Rendu le 7 juillet 2008, l’arbitrage alloue 404 millions d’euros à Bernard Tapie, dont 240 millions pour le préjudice matériel, 100 millions d’intérêts et 45 pour le préjudice moral. Le montant suscite immédiatement une polémique.

Le 28 juillet, Christine Lagarde donne l’instruction aux représentants de l’Etat dans l’EPFR de ne pas soutenir de recours. Or, si des avocats l’ont conseillée en ce sens, d’autres voix se sont élevées pour que la sentence soit attaquée, en raison de la lourdeur de la condamnation et du non-respect par les arbitres de décisions judiciaires antérieures. Aux yeux des magistrats de la CJR, il s’agissait “d’un moyen sérieux d’annulation” qui a été ignoré.

De plus, les instructions de la ministre sont tombées 19 jours avant l’expiration du délai pour attaquer la décision. Elle “a fait montre d’une précipitation qu’aucune raison sérieuse ne paraît pouvoir justifier”.

En conclusion, les magistrats relèvent que “les négligences multiples commises, à cette occasion, par un ministre ayant par ailleurs l’expérience, tout à la fois, des contentieux financiers et de la procédure d’arbitrage, sont difficilement explicables, si ce n’est par la volonté d’imposer des choix déterminés à l’avance”.

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