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Le problème des tunnels bruxellois est symptomatique d’une “ville en échec”

Les politiciens locaux bruxellois ne se sont préoccupés que de leurs propres baronnies, ces dernières années. Il est à peine question d’une vraie vision socio-économique. C’est l’avis du journaliste néerlandophone du magazine Trends Alain Mouton.

Le tunnel Stéphanie, sur la petite ceinture de Bruxelles, devra rester fermé pendant un an à cause de fissures au niveau du plafond. Le tunnel Léopold II doit de temps en temps être fermé au trafic parce qu’il y a des blocs qui s’en détachent. Que cela soit clair: l’infrastructure routière bruxelloise est archaïque et négligée. Inacceptable pour une Région qui, avec la sixième réforme de l’Etat, a obtenu un refinancement de 460 millions d’euros.

Les tunnels Stéphanie et Léopold II sont les symboles d’une infrastructure routière dépassée, mais ce ne sont pas des exceptions. L’an dernier, on a déjà décidé de ne pas rénover le viaduc Reyers et de le détruire. Trop cher, aux dires du gouvernement bruxellois. Certains politiciens bruxellois plaident maintenant à nouveau tout simplement pour une fermeture définitive des tunnels Stéphanie et Léopold II. Leur argument est qu’une ville moderne comme Bruxelles doit davantage miser sur les transports publics et maintenir la voiture le plus possible à l’écart du centre-ville. Cette argumentation fallacieuse sert à masquer le vrai problème: Bruxelles a négligé d’investir dans son infrastructure routière au cours des dernières années. C’est pourtant crucial pour la capitale de l’Europe qui héberge en outre encore d’autres institutions internationales.

“Les hommes et femmes politiques bruxellois ne se sont préoccupés que de leurs propres baronnies, ces dernières années.”

Le problème de l’infrastructure routière défectueuse est symptomatique du mauvais fonctionnement de Bruxelles tout court. Notre capitale a beaucoup de caractéristiques d’une ‘ville en échec’. Le chômage s’élève à 18,4%. Seule Berlin fait encore pire, parmi les capitales européennes. Dans certains quartiers, le chômage des jeunes atteint même plus de 40%. Le rythme de croissance moyen de l’économie bruxelloise a chuté de 2,5% à 1,3% au cours des dix dernières années, nous apprend une étude de BAK Basel Economics à l’instigation de l’ASBL Brussels Metropolitan. Ce qui situe Bruxelles dans la moyenne européenne.

Bien que Bruxelles soit la capitale de l’Europe et que beaucoup de multinationales y ont leur siège, la Région et les communes ne mènent vraiment pas une politique de courtoisie propre à attirer les entreprises. C’est même un euphémisme. Les entreprises sont irritées par les taxes immobilières élevées et par les impôts communaux de toutes sortes. Les entreprises paient trois fois plus de taxes par mètre carré à Bruxelles qu’en dehors. Les communes bruxelloises ayant un déficit budgétaire viennent d’abord frapper à la porte des entreprises. La classe moyenne fuit la Région et des millions de revenus fiscaux lui passent sous le nez.

La mauvaise gérance n’étonne pas. Les politiciens locaux ne se sont préoccupés que de leurs propres baronnies au cours des dernières années. Il est à peine question de vraie vision socio-économique. Celle-ci n’a pas été plus loin que les constantes visites de mendicité auprès des autorités fédérales. Avec succès, d’ailleurs. Pendant des années, la Région a reçu 100 millions d’euros du gouvernement fédéral. Cet argent était nécessaire pour remplir sa ‘fonction de capitale’. L’infrastructure routière en fait bien sûr partie. On a dès lors aussi le droit de poser la question: que s’est-il passé avec tout cet argent, pendant ces dernières années? Show us the money.

Grâce à la sixième réforme de l’Etat, Bruxelles peut compter sur 460 millions d’euros de refinancement. Il serait logique que cet argent soit utilisé pour améliorer l’infrastructure routière bruxelloise. L’an dernier, le ministre bruxellois du Budget Guy Vanhengel (Open Vld) expliquait que l’argent du refinancement irait intégralement vers la mobilité. Il est dès lors incompréhensible que certains politiciens envisagent une fermeture définitive des tunnels. Leur argument selon lequel une rénovation coûte trop cher – 150 millions pour la rénovation du tunnel Léopold II, 1 milliard pour son entretien pendant 30 ans – est devenu totalement invraisemblable depuis le refinancement de Bruxelles.

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