Le Portugal va-t-il sombrer dans la crise grecque?

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Les craintes d’une contagion de la crise grecque au Portugal s’accentuent. Les taux auxquels le pays emprunte sur les marchés grimpent, sa note souveraine est dégradée. Le Portugal sera-t-il la prochaine victime des marchés financiers? En théorie non, mais en pratique…

Les faits

Standard & Poor’s a abaissé de deux crans mardi 27 avril la note souveraine du Portugal. Les taux longs à dix ans des obligations de l’Etat portugais frôlaient les 6% mercredi, contre environ 4,7% la veille, et les taux à 2 ans progressaient à 5,75% contre 5,5% la veille.

Ils l’ont dit

“Je ne vois pas de connexion entre la Grèce et le Portugal” (Jürgen Stark, chef économiste de la BCE)

Le gouvernement et le principal parti de l’opposition ont décidé de travailler ensemble pour répondre en premier lieu à ce qui constitue une attaque spéculative sans fondement contre l’euro et contre la dette souveraine portugaise” (José Socrates, Premier ministre du Portugal)

Les craintes d’une contagion de la crise grecque au Portugal s’accentuent. Les taux auxquels le pays emprunte sur les marchés grimpent, sa note souveraine est dégradée. Le Portugal sera-t-il la prochaine victime des marchés financiers? En théorie non, mais en pratique…

La situation financière du Portugal est-elle comparable à celle de la Grèce ?
Non. Sur ce point, les économistes – et les politiques – sont unanimes. “Quoique dégradée, la situation des finances publiques du Portugal n’est pas comparable à celle de la Grèce, ses déficits n’ont pas la même ampleur”, explique Bénédicte Kukla, économiste du Crédit Agricole. Son déficit public a certes atteint un niveau record de 9,4% du PIB en 2009. Et sa dette publique s’élève à 126 milliards d’euros (dont 90 milliards environ de dette de marché), soit 76,8% du PIB. La Grèce, en comparaison, affiche un déficit, à 13,6% pour une dette représentant 115,1% du PIB, soit 300 milliards d’euros (dont 240 milliards de dette de marché). En outre, le Portugal ne souffre pas, à l’inverse de la Grèce, d’un manque de crédibilité sur la véracité de ses finances.

Pourquoi, alors, le pays est-il considéré comme le deuxième maillon faible de la zone euro ?

Parce qu’en dépit d’une différence d’ampleur, les finances portugaises ont des similitudes avec celles de la Grèce. Tout d’abord, son taux d’épargne national (public et privé) est parmi les plus faibles de la zone euro. Ensuite, comme la Grèce, la dette extérieure portugaise (dette privée et publique détenue par des actifs étrangers) est très élevée : elle atteint près de 100% du PIB (contre 80% pour la Grèce). La moitié de cette dette extérieure du Portugal est constituée de dette bancaire, ce qui fait peser un grand risque sur la stabilité du système bancaire du pays. C’est pourquoi Standard and Poor’s (S&P) n’a pas seulement dégradé mardi la note souveraine du pays, mais aussi celles de cinq banques portugaises.

Enfin, le Portugal est confronté à des difficultés structurelles de croissance : son PIB a progressé en moyenne de 1,1% entre 2001 et 2007 (contre 4,3% pour la Grèce). Et les perspectives de croissance du pays dans les prochaines années ne sont pas florissantes : le FMI table sur une hausse du PIB de 0,3% du PIB en 2010, S&P sur une stagnation. Ce qui ne va pas aider le pays à réduire son déficit et son taux d’endettement.

Le Portugal peut-il entrer dans une tourmente financière similaire à celle de la Grèce ?
“En théorie, non, estime Sylvain Broyer, économiste chez Natixis. Mais en pratique, l’hystérie collective des marchés autour de la Grèce est telle aujourd’hui qu’on ne sait jamais…” “Si les mesures d’aide à la Grèce de l’Europe et du FMI ne sont pas rapidement mises en oeuvre, l’inquiétude des marchés pourrait s’accroître et le risque que le Portugal connaisse une aggravation de la charge de sa dette similaire à la Grèce n’est alors pas à exclure”, reconnaît Davide Giardino, économiste à la Société Générale. D’autant que les besoins de refinancement du Portugal auprès des marchés en 2010 sont importants (environ 24 milliards d’euros). Pour faire cesser les comportements spéculatifs sur sa dette, “il est essentiel que le Portugal mette en place rapidement les mesures d’austérités auxquels il s’est engagé”, souligne Phlippe Sabuco, économiste chez BNP Paribas.

Le gouvernement socialiste portugais s’est engagé à réduire son déficit d’un point cette année, à 8,3% du PIB, puis sous la limite européenne autorisée de 3% du PIB en 2013, grâce à un plan d’austérité drastique axé sur une réduction des dépenses. Désormais placé sous la pression des marchés financiers, le gouvernement de José Socrates a annoncé mercredi 28 avril son intention d’anticiper en 2010 des mesures qui étaient prévues pour les prochaines années dans le programme de stabilité et croissance du pays.


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