Le plein emploi exclut de nombreuses femmes aux Etats-Unis

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Avec un taux de chômage au plus bas depuis 2000, les Etats-Unis semblent afficher le plein emploi mais de nombreuses femmes – devenues mères au foyer – sont exclues du marché du travail, faute notamment d’école pour leurs enfants de moins de cinq ans.

Lors de l’audition fin novembre du futur président de la Banque centrale, la sénatrice démocrate Elizabeth Warren s’est même saisie de la question du sous-emploi des femmes, qui représentent pourtant un gisement substantiel de croissance pour l’économie américaine.

“Comment la Fed peut-elle ramener sur le marché de l’emploi les femmes qui ne travaillent pas pour des questions de garde?”, a-t-elle demandé à Jerome Powell.

Dans les jardins publics de Washington et de sa proche banlieue, les mamans qui ont dû renoncer à leur carrière pour s’occuper de leurs jeunes enfants sont ainsi légion, car travailler et être mère aux Etats-Unis est une bataille de chaque instant.

“Les Etats-Unis disposent de la politique familiale la plus inhospitalière de tous les pays développés”, constate Caitlyn Collins, sociologue qui a comparé les politiques familiales des Etats-Unis avec celles de l’Allemagne, de la Suède et de l’Italie.

Le congé maternité rémunéré, répandu en Europe et particulièrement généreux dans les pays nordiques, n’existe tout simplement pas aux Etats-Unis, reprend la chercheuse. En outre, le “Family and Medical Leave Act” de 1993, qui prévoit 12 semaines de congés non payés, exclut de nombreuses femmes puisqu’il n’est applicable qu’aux entreprises de plus de 50 employés.

– ‘Exigeants’ –

A l’exception de rares initiatives de scolarisation à deux ans comme à New York, l’école publique américaine n’accueille les enfants qu’à partir de cinq ans. Les solutions de garde privées sont, elles, chères. Les écoles scolarisant les tout petits moyennant 25.000 ou 30.000 dollars annuels sont ainsi réservées aux hauts revenus.

Et même lorsqu’elles peuvent financer ces modes de garde, certaines femmes, diplômées de prestigieuses universités comme Harvard ou Yale, jettent l’éponge.

“Les employeurs sont extrêmement exigeants. Ils attendent de leurs employés qu’ils travaillent 60 heures par semaine, qu’ils soient joignables 24h sur 24”, souligne Pamela Stone.

Ces conditions de travail sont incompatibles avec la vie de famille, observe cette sociologue, auteur d’un ouvrage “Opting out” (s’exclure) sur des femmes qui ont mis fin à leur brillante carrière professionnelle pour s’occuper de leurs enfants.

“Elles ont arrêté de travailler non pas par idéologie de la maternité”, insiste-t-elle. Mais parce que c’était stressant et épuisant.

Tess Finnegan, 44 ans, mère de trois enfants de 11, 9 et 6 ans, en a ainsi fait l’amère expérience. Elle a quitté son poste de procureure quelques mois après la naissance de son premier enfant.

“J’ai travaillé pour le gouvernement pendant près de sept ans. Je travaillais 50 à 60 heures par semaine, je voyageais à travers le pays. Quand mon fils est né, j’ai eu la chance d’avoir un congé maternité et de reprendre mon travail à temps partiel”, raconte-t-elle.

Mais très vite, on lui demande de reprendre à plein temps. La jeune femme n’a pas le temps de réorganiser la garde de son fils. Elle quitte alors un emploi qu’elle adore. “Ce fut une décision très difficile à prendre”, confie l’ancienne procureure reconvertie depuis 2014 en fleuriste designer.

– Gâchis –

Les économistes soulignent que le sous-emploi ou la sortie des femmes du marché, est un gâchis économique, une idée également portée par Ivanka Trump, la fille et conseillère du président.

Le taux de chômage était à 4,1% en novembre et la croissance de 3,3% au troisième trimestre. Mais “si les femmes entraient et restaient sur le marché du travail au même rythme qu’en Norvège, ce serait un gain de 1.600 milliards de dollars pour l’économie” américaine, estime Standards and Poor’s.

Et si elles étaient aussi nombreuses que les hommes dans la population active, cela augmenterait de 5% la croissance du Produit intérieur brut, a estimé Christine Lagarde, la directrice du Fonds monétaire international.

L’exclusion d’une partie des femmes américaines du marché de l’emploi s’observe désormais dans le taux de participation des 25-54 ans, souligne par ailleurs Jacob Kirkegaard, chercheur à l’Institut Peterson. Après avoir été l’un des plus élevés du monde en 1990, celui-ci a stagné au tournant des années 2000 et diminue désormais.

En 2016, les Etats-Unis ont même été relégués à la 20e place sur 22 dans le classement de l’OCDE sur ce taux de participation des femmes, note S&P.

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