“Le New Deal franco-allemand pour l’emploi représente 0,005% du PIB européen”

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Pierre Larrouturou, le Président du collectif Roosevelt 2012 et membre du Bureau National du Parti socialiste français, juge sévèrement le “petit New Deal” franco-allemand sur l’emploi des jeunes. François Hollande en fait pourtant l’un des piliers de son initiative pour relancer l’Europe.

Lundi dernier, le ministre français du Travail Michel Sapin et son homologue allemand Ursula von der Leyen ont présenté un “New deal” pour les jeunes qui vise à débloquer 6 milliards d’euros en sept ans afin de lutter contre le chômage des moins de 25 ans. Cet acte au nom si rooseveltien, confirmé hier par le Président François Hollande, qui en fait un de ses quatre points pour relancer l’Europe, signe-t-il un tournant ?

Pierre Larrouturou : Il faut d’abord se féliciter d’une initiative franco-allemande. Depuis plusieurs mois, les deux pays se défient pour ne pas dire plus. Mais, les montants en jeu semblent bien ridicules au regard de la crise qui secoue l’Europe et – même si nous en saurons davantage sur les modalités le 28 mai – le projet ne signe pas le retour à une politique de l’emploi très volontariste, comparable en rien au New Deal de Roosevelt dans les années 30 aux Etats-Unis.

C’est donc un mini New Deal ?

Les 6 milliards annoncés sur 7 ans représentent 0,005% du PIB de l’Union Européenne. Soit la richesse créée par la zone pendant 26 minutes. Autant dire rien, même avec le concours de la Banque Européenne d’investissement, capable de multiplier les montants.

Que proposez-vous de plus conséquent ?

Il y a d’autres moyens de dégager des ressources, à la hauteur des enjeux. Dès son arrivée au pouvoir début 1933, Roosevelt constate les dégâts du dumping fiscal entre Etats, en particulier sur l’impôt des sociétés. Exactement comme l’Europe aujourd’hui (en zone euro, le taux moyen d’impôt sur les bénéfices est passé de 37% à 25% en quinze ans). Roosevelt crée alors un impôt fédéral à 40% sur les bénéfices. Pourquoi ne pas faire de même, c’est-à-dire un impôt européen sur les dividendes en sus de l’impôt perçu par les budgets nationaux. On aurait ainsi 25% d’impôt sur les sociétés alimentant les caisses des Etats et 15% additionnels au bénéfice de l’Union. Ce serait suffisant pour alimenter le budget européen, soit 1% du PIB. C’est 200 fois plus que le petit New Deal franco-allemand qu’on nous annonce.

Chaque année, la France verse 21 milliards d’euros au budget de l’Union et l’Allemagne 23 milliards. Si le budget européen était financé par un impôt européen, la France garderait ces 21 milliards. Chacun de nos états membres gagnerait 1% de son PIB en marges de manoeuvre libérées pour une politique d’investissement, de réforme fiscale ou de désendettement. La lutte – pour ne pas dire la guerre – contre les paradis fiscaux permettrait aussi de dégager 2 ou 3% du PIB de ressources fiscales. Qu’attendons-nous pour boycotter les entreprises qui utilisent les paradis fiscaux pour ne pas payer l’impôt ? Elles devraient être interdites de marché public.

Propos recueillis par Franck Dedieu

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