Le mouvement anti-austérité peut-il avoir gain de cause?

© Reuters

Tous les experts sont d’accord pour dire que l’Europe s’enfonce trop dans la rigueur. Un relâchement budgétaire aura sans doute lieu en 2013. Mais cela ne suffira pas pour sortir le Vieux continent de la crise.

Le mouvement anti-austérité touche désormais l’ensemble de l’Europe. A l’appel de la Confédération européenne des syndicats (CES), une quarantaine d’organisations issues de 23 pays ont participé ce mercredi à une journée d’action. A Madrid, pas moins de deux manifestations étaient organisées, l’une par les syndicats et l’autre par la mouvance des indignés, témoignant de l’exaspération face à la pauvreté grandissante, aux expulsions de propriétaires surendettés et aux milliards d’euros engloutis dans l’aide aux banques. Au Portugal, les trains et métros étaient à l’arrêt, et de nombreux avions cloués au sol. Des manifestations étaient également prévues de nombreux autres pays : Italie et Grèce, mais aussi en Allemagne, en Belgique, en France ou en Pologne.

Oui, la rigueur va trop loin en Europe…

Pour les syndicats, c’est une journée historique. Mais la mobilisation est à la mesure des enjeux économiques et sociaux. Jamais l’Europe ne s’est autant enfoncée dans l’austérité. En France, le gouvernement prévoit un effort budgétaire de 40 milliards d’euros. L’Italie a mis en place un plan de consolidation budgétaire de 80 milliards sur 2012-2014, soit 5% du PIB. L’Espagne fait pire encore avec un projet de budget qui prévoit d’économiser 102 milliards d’euros d’ici à la fin 2014, soit un effort équivalent à 10% du PIB. Enfin, le Royaume-Uni a mis en place un plan de 95 milliards d’euros d’économies et de 34 milliards de hausses d’impôts sur cinq ans (soit 7,3% du PIB).
Il n’y a pas besoin d’être un grand économiste pour se rendre compte que ces plans d’austérité feront beaucoup de dégâts, notamment dans les pays de la zone euro, qui ne peuvent pas dévaluer leur monnaie. Les prévisions économiques sont d’ailleurs alarmistes pour l’an prochain. En 2013, la moitié de la zone euro sera sans doute encore en récession, y compris la France. En Grèce, le pays le plus touché, le PIB a déjà fondu de 22% depuis le début de la crise.
Même les experts du FMI, habitués à proposer une dose d’austérité en guise de remède, admettent que l’Europe va trop loin. Dans un rapport récent, l’institution redoute que l’austérité en cours dans les pays de la périphérie” de la zone euro (Grèce, Portugal, Espagne) ne devienne “politiquement et socialement intenable”.

Lors de son assemblée générale début octobre à Tokyo, l’institution avait déjà reconnu avoir sous-estimé l’impact des plans d’austérité sur la croissance dans les pays européens sous assistance financière internationale, notamment la Grèce. Le débat est un peu technique, mais il porte sur les ” multiplicateurs budgétaires “. Ces derniers servent à calculer l’impact négatif de la rigueur budgétaire sur le PIB. On les croyait proches de 0,5 (en d’autres termes, une réduction de 1 point de déficit devait se traduire par 0,5 point de croissance en mois); mais ils sont en fait deux fois plus élevés, selon les derniers calculs de l’institution. Et cela change tout : non seulement la récession est plus forte que prévu, mais les pays européens ne respecteront pas leurs objectifs budgétaires.

… Mais elle ne sera pas abandonnée, seulement étalée

Aujourd’hui, les syndicats demandent aux dirigeants européens d’agir face à la flambée du chômage et de “répondre à l’angoisse sociale des citoyens”. Mais la réponse des gouvernements risque pourtant d’être décevante. Ce qui est positif, c’est que l’Europe va sans doute renégocier en 2013 les objectifs budgétaires de manière globale, afin de redonner un peu d’air à l’économie. Tous les éléments se mettent en place pour cela. L’Espagne et le Portugal ont déjà obtenu un relâchement budgétaire. Le FMI appelle à continuer sur cette voie. L’institut Bruegel réclame déjà un délai supplémentaire d’un an pour tous les pays de la zone euro.

Ce relâchement pourra se faire sans renier le pacte de stabilité. Celui-ci prévoit en effet d’équilibrer les comptes sur l’ensemble d’un cycle économique, c’est-à-dire environ cinq ans. Par ailleurs, il tient compte, dans ses exigences, des circonstances exceptionnelles, telles qu’une récession.

Par Sébastien Julian, L’Expansion

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content