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‘Le gouvernement Michel n’a pas osé s’attaquer aux tabous de l’économie belge’

Le gouvernement Michel est passé maître dans l’art d’annoncer des mesures floues dont la véritable teneur ne se révélera que bien plus tard.

Les décisions du gouvernement Michel doivent dès lors être accueillies avec scepticisme. C’est le cas pour le fameux tax shift, autour duquel le monde politique belge tournait depuis des mois. L’opération consiste en une diminution de l’imposition sur le travail, compensée par une hausse de la fiscalité sur la consommation et les revenus du capital. En clair, on prend dans une poche pour donner dans l’autre. En lui-même, le principe semble pertinent, surtout qu’en l’occurrence le fisc devrait donner un peu plus qu’il ne reprend. Le tout est de bien choisir les poches concernées.

Commençons par les poches où la taxation diminuera : la baisse des cotisations patronales pour faciliter les embauches et le gain fiscal net de 100 euros par mois pour les bas et moyens revenus, afin de soutenir le pouvoir d’achat. Deux leviers efficaces, mais à ce stade, il s’agit d’engagements, sans la moindre modalité pratique. Or, les effets dépendront de ces modalités, en particulier du ciblage ou non de la diminution des cotisations et du niveau où l’on fixera les bas et moyens revenus.

Venons-en aux poches dans lesquelles l’Etat viendra grappiller des euros. La principale source, c’est la hausse de la TVA sur l’électricité. La décision fait hurler. Il ne s’agit pourtant pas d’un retour au 19e siècle mais à la situation qui prévalait encore il y a à peine un an et demi. A l’époque, quasiment aucun n’économiste n’avait applaudi cette TVA à 6 %, estimant que le soutien au pouvoir d’achat pouvait passer par des dispositions plus conformes à un principe de développement durable.

La TVA et les accises présentent l’avantage d’être payées par tout le monde, y compris par les personnes qui ne sont pas des contribuables belges comme les touristes ou les fonctionnaires internationaux. Utiliser ce moyen pour financer une baisse de la taxation du travail, c’est a priori positif pour l’économie belge. Attention toutefois : ces taxes sont payées par tout le monde, c’est-à-dire aussi par les personnes les moins favorisées. Le dispositif serait-il donc inéquitable ? La réponse dépendra de l’impact du volet “positif” du tax shift sur l’emploi et le pouvoir d’achat, surtout si la hausse de la TVA est effectivement neutralisée dans le calcul de l’index.

Le gouvernement Michel n’a pas osé s’attaquer aux tabous fiscaux de l’économie belge

La mesure la plus modeste est peut-être la plus innovante : la taxe sur les plus-values spéculatives doit rapporter à peine 28 millions. Mais elle sera inscrite dans la législation belge. Demain, un autre gouvernement, un peu plus gourmand, devra simplement en modifier les taux, les durées de détention (six mois dans le projet actuel) et les montants de transaction visés… C’est bien là la seule innovation de ce tax shift.

L’équipe de Charles Michel n’a pas osé s’attaquer aux tabous fiscaux de l’économie belge. Le régime des voitures de société ne sera pas écorné, en dépit des multiples recommandations internationales (recommandations pourtant bien écoutées en matière de TVA sur l’électricité) ; et le livret d’épargne conserve son statut très favorable, alors que le monde politique ne cesse de regretter le manque d’entrain des Belges à investir dans “l’économie réelle”. On va même dans le sens inverse avec une nouvelle hausse du précompte sur les intérêts et dividendes, c’est-à-dire sur les placements plus risqués. Enfin l’impôt des sociétés, avec son taux facial prohibitif et ses innombrables niches, ne fait pas l’objet de la moindre ligne dans ce tax shift. Une occasion manquée.

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