Le fisc a-t-il les moyens de ses ambitions ?

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Le fisc belge veut doubler le nombre de contrôles par rapport à ceux réalisés en 2011. Une déclaration fracassante… mais dispose-t-il seulement des effectifs pour effectuer tous ces contrôles ? D’aucuns en doutent. Jusque dans ses propres rangs.

Le fisc entend procéder cette année à 75.000 contrôles de déclarations d’impôts de particuliers, sociétés, ASBL et sociétés de management notamment. Cela reviendrait à doubler le nombre de contrôles par rapport à ceux réalisés en 2011, écrit mardi L’Echo.

Le SPF Finances explique, sur son site Internet, comment il compte être davantage “proactif” cette année vis-à-vis d’une série de contribuables. Plusieurs cibles seraient particulièrement visées :

– les ventes via l’Internet (commerçants qui se font passer pour des particuliers),
– les salariés avec frais professionnels (contrôle classique),
– les chefs d’entreprise avec frais professionnels et/ou déficit indiciaire (contrôle classique),
– les asbl qui doivent peut-être être soumises à l’impôt des sociétés (en vérifiant “si la forme juridique de l’asbl n’est pas abusée par des organisations qui développent en fait des activités commerciales”),
– les clubs sportifs (l’année passée, précise le ministère, des sessions d’informations ont été organisées avec un certain nombre de fédérations sportives qui ont abouti à des accords “dont le respect sera vérifié”),
– la scission du droit de propriété (abus fiscal de l’usufruit),
– la déduction des intérêts notionnels (contrôle classique).

L’Administration générale de la fiscalité dit espérer “d’une part inciter les contribuables à remplir correctement leur obligation de déclaration et d’autre part, où ce ne serait pas le cas, encourager la régularisation spontanée”.

Le fisc embauche… mais cela ne compense pas la diminution de fait des effectifs



L’administration fiscale a-t-elle seulement les moyens de ses ambitions ? Certes, ce renforcement des contrôles est facilité par la multiplication des déclarations électroniques et le croisement des données avec d’autres administrations”, déclare le SPF Finances. Sans oublier l’embauche de 276 nouveaux agents, annoncée mi-janvier. Plus de la moitié de ces agents seront affectés à l’Administration générale de lutte contre la fraude fiscale (nouvelle dénomination de l’Inspection spéciale des impôts).

Problème : ces embauches n’ont pas pour conséquence mathématique l’augmentation des effectifs du fisc, dénonçait dans la foulée la CSC. Car elles ne pourront compenser que partiellement la diminution de fait des effectifs. Pour le syndicat chrétien, “il n’y pas de sens à renforcer la lutte contre la fraude alors que l’on n’est pas en mesure de garantir les simples contrôles”.

En raison du vieillissement des effectifs, en effet, quelque 1.000 fonctionnaires quitteront cette année le département, assurait le syndicat : “Tout en haut, on a décrété que trois personnes sur cinq seulement pourront être remplacées, ce qui nous laisse avec moins de personnel à la fin de l’année, en dépit des engagements à l’ISI”, soulignait Marc Nijs, secrétaire de l’ACV.

La lutte contre la fraude fiscale en Belgique se heurte à 4 obstacles majeurs



Un avis partagé par Marco Van Hees, fonctionnaire au SPF Finances et “poil à gratter” de son propre ministère, qui voit 4 obstacles majeurs à la lutte contre la fraude fiscale en Belgique : “Depuis une vingtaine d’années, tous les services de terrain du SPF Finances (contributions, TVA, recherches, douanes, cadastre, enregistrement, etc.) ont vu leurs effectifs fondre de 50 % et même bien plus dans certains cas. Ces services ne sont plus capables d’effectuer un contrôle digne de ce nom.”

Le nombre de dossiers à contrôler par agent a par ailleurs explosé, dénonce-t-il : “Beaucoup de services (comme les inspections de recherches ou le cadastre) n’ont même plus les moyens d’envoyer des agents sur le terrain pour vérifier, par exemple, si un nouveau bâtiment correspond au plan qui a été livré. En matière de droits de succession, les services d’enregistrement effectuent à peine 200 enquêtes en banque par an, soit 0,2 % des décès. De plus, ils n’ont pas les moyens de contrôler autre chose que les droits de succession sur les biens immobiliers, les plus riches – dont les fortunes sont essentiellement financières – échappant ainsi à cette taxation.”

Les fonctionnaires contrôleurs seraient en outre victimes de “véritables formes de sabotage interne” de leur travail. “Par exemple dans le timing de leur plan de travail établi en dépit des délais de prescriptions. Par exemple dans la sélection centralisée des dossiers (programmes Datamining et autres du même acabit) qui est imposée aux agents en dépit de toute logique : le contrôleur le plus incompétent de tout le SPF Finances sélectionnerait mieux les dossiers à vérifier que le programme Datamining !”

V.D.

Contrôles fiscaux renforcés : le SNI ne veut pas de “chasse aux sorcières des indépendants”

Le Syndicat neutre des indépendants ne veut pas d’une “chasse aux sorcières des indépendants” dans le cadre du doublement des contrôles fiscaux annoncés chez les indépendants, sociétés et particuliers. “Il est absurde de tellement effrayer les entrepreneurs qu’ils n’oseront plus entreprendre, dénonce Christine Mattheeuws, présidente du SNI. Ces dernières semaines on n’arrête pas de désigner chaque indépendant comme étant un fraudeur. Arrêtons cela !”

“La réglementation fiscale et sociale en Belgique est très complexe, estime le SNI. C’est ce qu’ont d’ailleurs aussi vécu les politiciens récemment en se contredisant constamment à propos des impôts et des voitures de société, de la déduction hypothécaire et des mesures d’économie d’énergie.” Le syndicat demande aux responsables politiques d’établir des règles claires. “Sinon, les contrôles intensifiés et l’effet de crainte risquent de freiner l’entreprenariat”, ajoute l’organisation d’indépendants.

Enfin, le SNI se demande pourquoi les multinationales ne sont pas visées par le fisc : “Les indépendants ont l’impression d’être la vache à lait dont on se sert pour effacer le déficit budgétaire et ils se demandent si tout le monde a les mêmes droits dans notre pays”, conclut Christine Mattheeuws.

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